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Vidéos d’Allemagne et d’Ailleurs




Katja BAUMANN, Gisela, 7', 2008
Le film Gisela se nourrit d’un fait divers, au pluriel, puisque le couple
originel se spécialisa dans le hold up de banques, d’une manière
inédite alors en Allemagne. La trame narrative emprunte aussi au film
de gangster, et avec plus d’originalité enlace deux écritures : la photo-
graphie et l’animation par Photoshop.
L'incipit d’emblée reconnaît la première cambrioleuse de banque et son
complice et mari, leur identification est explicitée par les titrages-types
« découpés » de journaux et insérés à proximité des visages, en remplacement des dialogues, dans un
rappel de la bande dessinée. Le format des compositions en écho aux vignettes y contribue aussi.
La progression calque celle de l’information journalistique puisque le portrait du couple est suivi de ses
méfaits avec la « une » de journaux les désignant comme les coupables. Le logiciel photoshop compose
un ensemble de couches d'images animées, et ce, au sens premier, puisque ces mouvements sont
visibles. Ainsi, espace de production et de diffusion sont-ils rassemblés dans l'écran numérique qui
s’exhibe comme tel. L'artiste est, par ailleurs, lui-même convoqué dans cet espace par le curseur de la
souris masquant ou dévoilant tel ou tel élément de la composition selon l'icone-oeil. Il reconnaît la double
implication de la préoccupation du voir, à la fois à travers cette icone et par l'espace de travail de l'artiste
où le regardeur est convié.
Retenir l'écran numérique interroge la fonction du cadre dans le travail de Katja Baumann. En effet l'écran
informatique est occupé par des fenêtres, qui sont autant de cadres s'adjoignant les uns les autres, mode-
lant ainsi l'espace du cadre enchâssant. Certaines corrélations s’établissent entre différente fenêtres, ce
qui implique l'ordinateur-médium et non plus, comme simple support.
La composition de Gisela devient porteuse de sens, par son entre-deux photographie et photogramme,
aux caractères respectivement centripète et centrifuge, ainsi son architecture ne respecte ni les formats
propres au cinéma ni même ceux de la vidéo. Les espaces sont des décors assumés comme tels,
réalisés à partir de collages de photographies, loin de rechercher quelque effet de réel, dans le refus total
de la profondeur du champ, il atteste plus un travail sur l'aplat dans un constant effet de surface.
Gisela traverse différents modes d'expression dont le réalisateur, qui y surgit mais en creux, est force
mobile et chef d'orchestre et raconteur d’histoire. Le film débute avant l'ouverture du logiciel, alors que le
bureau de l'ordinateur est encore vide, avant que le curseur de la souris ne lance une musique de celle
que l’on écoute en travaillant, mais c’est en ouverture de la composition. Les frontières sont floues mais
la musique répétitive et binaire, accompagne le rappel de la médiocre odyssée de cette Gisela et de son
mari, d’une banque de quartier à une autre tout aussi petite alors que leur corps naît de découpes de
magazines années 60 de quoi ôter toute gravité à ce qui devient figures de comédie.
Lucas Billard, étudiant en montage BTS audiovisuel du Lycée des Arènes


Frédéric de MANASSEIN, Regarde où tu marches, 30', 2011
Un homme quitte le rythme de son travail citadin pour se rendre
dans la nature. Redevenu disponible aux sensations les plus
légères, aux observations les plus subtiles, il s'interroge : “peut-on
regarder la nature sans l'interpréter ?” Question rapidement débor-
dée par l'expérience... Il observe et traverse les paysages en pre-
nant conscience des flux dont il fait partie ou s'écarte - courants dominants, pauses inattendues et dévia-
tions se dessinent – parfois littéralement – dans le champ. Il réagit dans chaque lieu à ce qu'il perçoit de
plus infime, à l'inframince, en zigzaguant comme le M.Hulot de Tati au gré de ses observations poétiques...
Ignorant son téléphone mobile qui le somme de retourner au travail, le promeneur / auteur entremêle l'art
et la marche en une sorte d'interprétation “musicale” du paysage. On s'aperçoit – c'est peu de le dire – que
parcourir la nature, c'est l'interpréter.


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