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Paul LAHANA
Il y aurait une chose
Projection d’un film où défilent des sous-titres. Aucun son, aucune image sinon des formes
jaunes. Comme le doublage d’une voix off, ils glissent au fur et à mesure, comme s’ils obéissaient à
quelqu’un déclamant un long monologue, dit dans une langue que nous ne pouvons ni entendre, ni
comprendre. Le narrateur parle de lui-même. De lui-même auteur mais aussi de lui-même lumière jaune à
l’écran.
Résolument iconoclaste au sens fort du terme, résolument audacieuse dans notre sphère qui ne peut se
passer d’images - au pluriel - la vidéo déroule du texte en boucle passante. D’emblée “ça pourrait être
quelque chose” perturbe l’attente alors qu’un démonstratif joue au constat in medias res mais que le
conditionnel renvoie à l’irréalité, que ce soit pour le pouvoir, le parler, le falloir ; on ne peut approcher ce
dont on parle, que par “quelque chose” ou “un truc”, l’indéfinition règne. Lorsque le sous-titre qui ne traduit
rien, parvient à décrire un homme, c’est un type et son comportement ne mérite pas davantage le mode
indicatif mais l’hypothétique et les modalisateurs ajoutent au doute “peut-être”.
Un récit se fait de l’impossible précision du récit quand chemin faisant des termes empruntent au domaine
de l’audiovisuel, “plan”, “musique” et même “publicité” jusque dans sa réception “spectateur”.
Une structure pourtant se dessine, complexe de plus en plus. Elle emprunte l’impossible distinc-
tion entre le hors et le dedans, en bande de Möbius sans bande tangible.
La bande à phrases jaune détachée du fond noir décrit un film qui n’est pas mais pourrait être avec un
personnage - masculin au visage étonnamment jeune - et alors même qu’il n’est pas, on tournerait un docu-
mentaire du réalisateur, avec des images de film de sa famille alors qu’il n’est pas… sachant qu’il y a à
trouver du sens derrière les images.
Et qu’un film s’en est fait…
Simone Dompeyre
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