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Hervé PENHOAT
Mémoire Hors Champ I
Je me suis souvent posé la question de mon “attirance” directe et indirecte avec le passé, avec
les souvenirs ancrés dans ma mémoire. Les racines seraient l’élément intime gardé en soi mais que je
dévoilerais à l’autre par la composition vidéo de cette mémoire personnelle.
L’école, la cour d’école est un de ces espaces, ou plutôt de ces non-lieux puisque la référence à un
environnement précis disparaît alors que toutes les cours d’école se ressemblent. Il suffit d’un sol en
“dur “ d’arbres, d’un bac à sable... De mon logement en Belgique, j’observe deux cours d’école. Cette
observation m’a renvoyé à mon enfance en Bretagne.
Bergson distingue une “reconnaissance sensori-motrice qui se fait surtout par mouvements : des
mécanismes moteurs se sont constitués et accumulés que la vue de l’objet suffit à déclencher”, sans doute
les racines lointaines émergent-elles de ces questionnements.
La vidéo s’est imposée pour cette “matérialisation”, convoquant un “hors-champ” par son volontaire
éloignement, alors que l’accentuation des noirs mute les corps de ces enfants en ombres/silhouettes
intimes du passé.
J’ai une attirance pour les pays du Nord - sans doute à cause d’origines lointaines, d’autres
racines des peuples émigrant au fil des siècles - pour la neige, la brume... et sans doute l’école de mon
enfance ne pouvait-elle resurgir que par un temps d’hiver de neige ou de brume ; mais aussi en rappel
plus proche des peintures de Peter Bruegel dit l’Ancien, ce sol blanc neige de l’hiver froid, couleurs du
nord, de la Belgique. Je filme de loin et en plongée pour ce recul et cette réflexion sur soi qui porte à
s’identifier facilement à l’un de ces enfants, dans la cour d’école, “non-lieu” que chacun reconnaît
facilement dans sa mémoire. Un espace de passage dans notre vie qui ne dure que peu de temps.
Hervé Penhoat
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