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Des réalisateurs...

                                 Thomas JENKOE, Une passion, 7', 2011, France
                                 “ Un moment noir de la vie, exorcisé à vif, au téléphone portable.
                                 Je commence à prendre les photos qui constituent le film dans une urgen-
                                 ce dictée par le réel. À vif. Diane, la femme que j’aime, est frappée de plein
                                 fouet par un événement traumatique. Très vite, elle se retrouve internée en
                                 clinique psychiatrique. Pris dans un tumulte qui nous emporte tous les deux,
                                 je photographie pour tenter de trouver un sens à ce qui arrive. Je prends ce
que j’ai sous la main : mon smartphone dont j’exploite au mieux les limites techniques. Je triche et je fais
le point sur les zones les plus sombres de l’image pour accentuer les effets de surexposition. Je privilégie
la pénombre et le bruit vidéo, qui, par contraste, font ressortir les touches de couleur, le rouge notamment.
Je n’hésite pas à zoomer au maximum sur le corps, corps qui devient une mosaïque de pixels.
Ainsi, je découvre sans apprêt ce que Diane endure, sa Passion.”

Un portable en état de marche dont la communication est désespérément coupée. Il devient

instantané de poche, enregistre à vif, vite et sans le vouloir images photographiques et sons ambiants.

Parce qu’on est dans l‘urgence, une urgence d’un quotidien en état de choc et arrêté en plein mouvement,

Des messages sans écho, une mise au point hors focus, une lumière hors champ : réalité et vécu y vivent

séparés. Le son direct et le Stabat Mater de Pergolèse ne cessent de s‘y entrecouper. Un feu intérieur

consume. La Passion, celle qu’elle vit mais que lui porte, s’inscrit en lettres rouges sur l‘écran.

Une Passion, une offrande de Thomas Jenkoe, où chaque image trouve son hasard, chaque mot son

sanskrit, chaque tonalité son mouvement, chaque dissonance sa résonnance : sept minutes d’appel au

retour. Merci.                                               Gwen Gérard

                                 Fabien MAHEU, Du blanc seulement, 8', 2012, France
                                 Ravi par le déconcertant. Ravi reprenant sa polysémie : être captif et être
                                 kidnappé, ce qui réveille des échos durassiens. Cet espace-temps, en
                                 constantes petites saccades internes semble pourtant le plus éloigné de cet
                                 univers de Lol V.Stein, qui, lui, s’étaie sur le manque devenu viscéral de
                                 celui qu’elle aime - son fiancé qui, un soir de grand bal, l’a oubliée sur le
                                 bord de la piste pour une autre.
Du blanc seulement n’aborde aucunement ce qui lie et délie l’homme et la jeune femme, et n’explicite
aucunement ce qui provoque les gestes tourmentés de lui, ni l’attitude imperturbable d’elle, mais une aussi
forte douleur d’amour porte la déambulation de l’homme dans un espace des plus différents mais tout aussi
impossible à déterminer. Et seules des bribes narratives nouent des moments de déconcertantes stations.
          Un lieu de piété populaire, avec statue saint sulpicienne de vierge orante, un autel protégé par
une grille mais pas de rite ni de fidèles, seule une jeune fille en tenue ancienne : longue chemise et
pantalons de dessous bouffants blancs - certes - se tient debout, regard frontal, les pieds dans l’eau d’un
bassin carré. Cette posture se réitère, ou se décline par son assise dans la verdure. Lui, en costume non
daté mais avec, une fois, une épée accrochée, va dans une sente, se dresse sur un rocher. Il la rejoint, et
tente de l’approcher de gestes à la manière chorégraphique contemporaine, elle ne frémit pas…
Sans explication ni même changement d’expression ou d’attitude, ils sont par deux fois dans un hangar
empli de vieilles machines rouillées ; tous deux à côté…
          Là, il reçoit de l’eau sans être sous la petite cascade qui alimente le bassin. L’explicit retient cette
image et rappelle la première occurrence du masculin, en veste noire du passé, boutons rapprochés sans
être strictement une soutane, un homme agenouillé près de l’eau.

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