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Des réalisateurs...
Au-delà de ses incartades avec la narration, la vidéo désobéit à la lisibilité, interdisant la contem-
plation qui en satisferait certains. Le flicker perturbe un tel ancrage, d’autant qu’il ne se contente pas de
faire vaciller l’espace mais il garde certains éléments comme lui ou elle, fixes, les imposant dans leur
singularité, alors qu’autour quasiment tourne, en petits sursauts superposés, le monde. Et cela ne les fait
pas frémir – dans tous les sens y compris comme figures, comme composants de la vidéo.
Ainsi si proches et si lointains, dans cette chorégraphie assise, ils provoquent un regard de l’entre-deux,
qui implique de saisir le fixe de ce germe d’histoire, tout en étant pris dans le feuilleté de l’image.
Simone Dompeyre
Fabio SCACCHIOLI, Miss Candace Hilligoss' flickering halo, 13'40,
2011, Italie
Les images détournées du film s'organisent en structures précaires et
évolutives, liées à des complots tordus dans un état d'effondrement
permanent. Elles visent à provoquer l'explosion d'un système fermé, grâce
à un déterminant de l’implosion audiovisuelle. Oubliez tout ce que vous
voyez en réalité. Un cri sans raison.
L'œil humain voit le monde grâce aux cellules photoréceptrices de la rétine, membrane sensible à la lumiè-
re émise ou réfléchie par les objets alors que la lumière voyage à travers le temps et l'espace à une
certaine vitesse. Ainsi, la lumière du soleil prend-elle huit minutes pour parvenir à nos yeux, tandis que
celle d'autres étoiles réclame plusieurs années-lumière.
La lumière générée ou réfléchie par un objet ou une personne sur la terre prend un temps particulier
parfois court, ainsi une distance - courte, éternelle- se forme entre nous et notre image de la réalité.
Même entre la pensée et l'action, entre la pensée et le langage, il y a ce laps de temps nécessaire à la
transmission du signal par l'intermédiaire d'impulsions électriques provenant du cerveau pour rejoindre les
différentes parties du corps.
Miss Candace Hilligoss' flickering halo se consacre à cette distance, à cet intervalle séparant et unissant,
le silence entre les mots, le noir entre les images. C'est un film contre les oppositions dialectiques du
cinéma, assemblés selon le principe d'incertitude et de l'utilisation du phénomène de la persistance
rétinienne comme un outil d’expression.
Caroline BARC, I'll take you to paradise, 6'45, 2010, France
Je t’emmènerai au paradis, un crooner de l’époque des 78 tours, une chan-
son, dont la fin est rayée dans l’usure des sillons, a le temps de proposer le
bonheur… mais si Hylton le chantait à une Baby, c’est Elle qui désormais
l’envoie à Lui Philippe, qui ne répond pas tout aussitôt à ses appels
téléphoniques. Vidéo en air de boutade : l’œil de la vidéaste est cerné par
l’écran noir alors qu’elle répète son désir de communication/la vidéaste se
plaît à manier des objets d’abord des objets à voir puis le vinyle à entendre. Ainsi elle n’économise pas les
moyens d’attirer ce Philippe, puisque, successivement, ce sont deux filtres rouge puis vert qui transforment
la vue depuis la chambre d’un pavillon de banlieue ou de petite ville, puis la recherche de disques et l’é-
coute de cette chanson d’amour sur le vieil appareil idoine.
Cependant cette musique s’avère étrangement iconogène d’images de films de famille sur une petite plage
avec les ingrédients attendus, si ce n’est que le jeu, cette fois, consiste à flouter la scène, à la rendre nette,
puis floue jusqu’à s’intéresser aux pieds qui jouent dans la sable… Un “porte toi bien” en clausule de cette
correspondance-vidéo pas comme les autres reconnaît une des mille manières des adresses de compli-
cité entre deux interlocuteurs. D.S
Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Histoire(s) 47