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                            Alexandrine BOYER

                                              A la Chapelle des Carmélites
                                                            Market Street

                                                    Market Street ou la Synchrèse* à l’œuvre

                         Parce que les mises en scène sociales de la vie réelle que développent les films sont devenues invi-
                 sibles à force d’être vues, on en oublie le simulacre qui s’alimente de la ressemblance avec le quotidien ;
                 le quotidien est sonore, l’audiovisuel l’est aussi, par définition. Ainsi des sons types, toujours liés à une sour-
                 ce sont mémorisés comme allant de soi avec tel élément visible dans le champ et ils sont pensés naturels.

                        Cependant, si le son s’est inscrit dans la désignation de l’audiovisuel, son et image ont enclen-
                 ché, dès la synchronisation sur la pellicule au cinéma, des liaisons cognitives mais aussi émotionnel-
                 les. Malgré leur différenciation d’enregistrement, la perception du spectateur répartit, immédiatement,
                 les sons selon le rapport à l’image. C’est l’image qui organise cette perception et non la nature propre
                 des sons entendus, la synchronisation ayant soudé une corrélation si forte et durable entre image et
                 son, que le spectateur pense à la source, même lorsqu’elle est hors-champ.

                         Parce qu’elle le sait, en une démonstration sans mots, loin de tout didactisme, Alexandrine Boyer
                 compose un morceau audiovisuel avec la virtuosité de l’instrumentiste ou pour filer la métaphore, elle joue
                 le contrepoint, orchestrant deux sources des plus distinctes.

                         Elle y prouve le fonctionnement de la synchrèse audiovisuelle - *cette soudure irrésistible entre le
                 phénomène sonore qu’elle conduit et qu’elle filme le long de gestes ménagers du quotidien et le phéno-
                 mène visuel, le film La Rue Américaine qu’elle emprunte aux Frères Miles. Les sons d’elle et les images
                 d’eux sont réunis dans et par notre écoute/vision.

                           Son installation garde pour partie le titre de ce film-source, film occupant un écran d’un dip-
                 tyque. La proximité de deux écrans identiques, l’un accolé à l’autre, d’emblée énonce qu’il s’agit, en
                 effet, de saisir l’un ET l’autre voire l’un AVEC l’autre alors que le filmique les distingue nettement.
                 A gauche, un film urbain de description d’une grande ville, San Francisco ; le long de sa grand-rue pavée
                 et flanquée d’immeubles, circulent des voitures à moteur ou tirées par des chevaux, pour le transport de
                 voyageurs ou de marchandises, des voitures individuelles ou des trams collectifs…les indices vestimen-
                 taires signalent le début du XXème siècle : hommes à chapeaux, vestes longues - les rares femmes ne se
                 découvrent qu’au bout de l’avancée, à la station des ferrys, de même qu’un policier en uniforme, lui der-
                 rière un pilier- et l’Amérique est dite par les enseignes.

                            La prise est frontale, centralisée, la voiture d’où cela se filme emprunte l’espace ménagé pour les
                 trams, au centre de l’avenue. Cette voiture reste hors cadre, mais elle est située par les réactions de certains
                 passants, tel adolescent faisant un geste de la main ou tel autre soulevant la bâche d’une «camionnette».

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