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                            Christophe BISSON

Le film lui-même ne se dissout pas dans un constat, jamais il ne se défait de la plasticité de l’é-

criture filmique, sachant moduler ses temps et sa variation de plan, proximité de celui qui fait, proximité de

ce qu’il a fait.

Plus encore, il prend acte pour que ce protocole soit saisi comme artistique en lui opposant un

hors-champ très extérieur à Arnaud : le Louvre et ses passants entraînés par un raccord son de houle très

emblématique. Avant comme après le musée, le silence habite l’espace d’Arnaud, seulement troué des

frappes pointées du stylo ou par le tapotement des traits. Le Louvre est perturbé, son champ sonore est

bousculé par de multiples fragments de phrases et des bruits de foule.

Les œuvres du Louvre sont « vraies »; loin de la petite reproduction permise en atelier « pédago-

gique », grandes voire immenses, elles devraient s’imposer or derrière les têtes, les bras, les appareils photos

brandis, ne peuvent que s’entr’apercevoir la Mort de Sardanapale ou Le Couronnement de Napoléon ou

Le Radeau de la Méduse. La rapidité, le comportement sans « soin » ne se cantonnent pas au genre

puisque L’Odalisque ou Marie Madeleine ou encore La Joconde ou le plafond en trompe l’œil baroque ne

reçoivent pas plus de réelle attention de ceux qui s’approchent et déjà partent. En bénéficie encore moins,

la sculpture dont ne se découvre que le bras derrière les passants, puisqu’elle n’est que photographiée par-

fois, parfois sans le moindre arrêt devant elle….

Ces œuvres pour être n’aspireraient qu’au regard amoureux de l’amateur, de celui qui saurait

regarder. A être réellement approchées à coups d’œil réels.

Les groupes compacts sont internationaux, les langues diverses s’y croisent, mais tous adoptent les mêmes

attitudes consuméristes du « j’y étais », point. Nul besoin de les enregistrer pour s’en assurer ni de tradui-

re les paroles du guide se cantonnant à désigner ce qu’il y « a » à voir. Les plans demi-ensembles font

ainsi état de masse devant les tableaux occultés voire perdus… David, Delacroix, Ingres, Léonard… font

partie de l’itinéraire à faire, non de l’œuvre à découvrir.

La Liquidation serait-elle là, celle-là, renversant les attentes… loin de liquider l’icone, celui qui

trace sa trace vivifie l’œuvre car il suscite le désir d’y aller voir et de courir sinon en Italie du moins vers

son Masaccio - livre- monographie s’entend. Le titre entraîne à réviser l’attente, là où pourrait se penser la

perte, l’occultation, s’avère la volonté d’être par le faire.

Après le Louvre, un silence iconique et sonore, un plan noir s’impose avant de revenir à l’action

d’Arnaud, préfigurée par les seuls sons tapotés sur Rembrandt.

Le Quatuor à cordes n°16 de Beethoven avant l’inscription du titre, entraînant l’envol sur la pre-

mière atteinte - supposée - du Masaccio, peut, à lui seul, nous induire à assister à la liquidation non d’une

œuvre mais à celle d’un regard trop hâtif. Et le phrasé des cordes revient après l’avoir apprécié, en coda

de Liquidation.                                                 Simone Dompeyre

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