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                 Nenad BOGDANOVIC

                                 et au Musée des Abattoirs

                                             et Bridges III

          Sa sensibilité d’artiste nous exhorte à aller au-delà de la contemplation passive. Elle nous entraî-
ne dans le questionnement sans qu’il nous propose la moindre ébauche de réponses. Simplement mais déci-
dément, il expose ce que la caméra, là, filme et ce qui est simultanément visible sur le mur, doublant le geste
immédiat. Il saisit un rasoir pour enlever les poils de cette partie marquée de son corps.
Là, où les cicatrices restent très visibles il écrit à l’encre rouge : « J’ai seulement besoin d'amour » alors
qu’un fond sonore enjoué et emprunté à la comédie musicale Hair se substitue à la solennité des hymnes.
Nenad pourtant ne varie pas sa posture, sans sourire, il
fait face à son public, visiblement perturbé et qui tente
de se rassurer par les mots de l’artiste, leitmotiv de ses
performances : «ONLY I NEED IS LOVE»

        L’amour qu’il demande, pourtant, ne saurait se
cantonner à la sphère privée puisqu’il a commencé à
performer en hymnes ; le pense-t-il plus fort que toutes
les haines confondues, du moins, lui ne peut se penser
comme un homme seul ; il appelle l’autre.

          La seconde performance, dans un tout
autre lieu, le hall du Musée des Abattoirs, retint un
public très élargi, la manière d’entraîner la réflexion pre-
nant un autre motif de son travail : la peinture.

          Avec Bridges III, Nenad Bogdanovic revient sur
l’Histoire mais pour nous obliger à revenir sur des idées
provoquées par les médias et désormais idées reçues,
qui concernent la réalité des actions occidentales
durant la guerre de l’ex-Yougoslavie. Un montage d’ar-
chives rassemble les vues de différents ponts sur le
Danube, en Allemagne, là où le fleuve prend sa source,
mais aussi en Ukraine où il se jette dans la Mer Noire.
Les premières images projetées sur une toile blanche, type toile d’artiste peintre, sont rythmées par la
Lettre à Elise de Beethoven. La transition des images-paysages se fait sur des arpèges montant en une
forme d’exaltation, jusqu’à la rupture provoquée par La Symphonie n° 5 du même compositeur, plus solen-
nelle et grave, sur les images décrivant les mêmes ponts détruits. Ces plans datent de 1999, lorsque
l'OTAN a bombardé la Yougoslavie.

          Nenad entraîne par ce rappel historique à poser La question de la Responsabilité, sans leçon,
sans cris mais dans l’ironie mordante qu’il manie, puisque Le Beau Danube bleu de Johann Strauss, se
lance alors que lui-même se saisissant de tubes de peinture des couleurs primaires et du noir et du blanc,
se lance pour marquer de grands traits, la toile. Véhémence mais couleurs, vues réelles et abstrac-
tion. Force du geste à tel point, qu’il en fait tomber la toile faisant intervenir deux des participants
pour tenir ce support.
Rage et peut-être un espoir - variation de son « j’ai besoin d’amour ». Nenad les peint effaçant la des-
truction des ponts, comblant l’image du « ça a été » par la couleur pure.

          Le propos de Nenad Bogdanovic n’est pas neutre. Bridges III fait écho à The Process of Wound
car les ponts rapprochent aussi métaphoriquement les bords d’une brèche, les bords d’une plaie ou d’une
crevasse ; sa peinture agit comme cicatrisation. Sans motif, sans figure, elle réclame la transformation et la
transition, elle porte la demande de Paix et d’Amour.

                                                               Traverse Vidéo

Performances - Processus                                                                                         79
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