Page 84 - catalogue_2014
P. 84

maquette 2014_TRAVERSE_VIDEO:maquette 2013 06/11/2014 15:53 Page 83

Sandrine DEUMIER et Véronique BINST

                   et à la Chapelle des Carmélites

                                et Code Binaire

          Le crime d’amour de la poésie, car ce qui se lit, se produit en temps réel, s’écrit et passe, contrai-
rement à l’image filmique enregistrée. Trashtragedia s’explore alors qu’il se déroule. Ce n’est pas un texte
transféré mais une action ; les fragments refusent le linéaire ; les mots se figent, s’animent sous la pres-
sion de Sandrine Deumier, maîtresse dans l’ombre - sur la scène - maîtresse de l’ombre dans son clone
inquiétant.

        Le processus de l’œuvre réclame un traitement pensé en amont ; l’ordinateur est et le lieu de pré-
paration et son instrument. L’exécution n’est plus seulement de l’ordre du musical, elle est inhérente à
l'existence de l’e-poésie, c’est la première indiscernabilité entre l’appareil d’écriture et sa lecture.
Une e-criture.

        Le texte n’est plus une
unité fermée, mais dans la
potentialité il réclame la perfor-
mance pour être. Il est énon-
ciation - et non un énoncé fini -
il est fait du parcours; ainsi le
fragmentaire, le labyrinthe, la
bifurcation sont-ils ses modes.
Cela est sans doute le mode
poétique pensé comme absolu
par des poètes bien avant que
l’on ait prévu une telle machine.
1897, Mallarmé lança le Coup
de Dés - il faudrait pouvoir
inscrire onze doubles pages de
ce poème refusant la ligne et le
vers, la page et la succession
des propositions, et par là interdisant la citation copiée sur une ligne, mais à défaut, en rappeler la clausu-
le «Toute Pensée émet un Coup de Dés».

          En Trash-Tragedia, substantif isolé, verbe sans sujet, proposition sans verbe passent dans le
champ. Dans la coupure de leur passage, ils provoquent une attente dont on comprend vite qu’elle ne sera
pas comblée et dont, en revanche, on saisit que cette a-syntaxe est le leur signifiant de ce qu’annonce
Trash-Tragedia et de ce que trament ses images. L’e-poème provoque son parcours. L’hôtel visité est
celui du fantasme, des désirs obscurs, retenus, enfouis ; les bifurcations du e-texte réalise le jeu de l’in-
conscient…

        La performance de Sandrine Deumier et de Véronique Binst réanime la formulation usée à force
d’être dite, puisqu’elle redonne sa puissance à l’inquiétante étrangeté... elle dit l’intime et l’autre, le sans
mot et le cri muet, l’incompréhensible et le perceptible et elle étreint.

          Code binaire
En ce court syntagme, le genre, le médium, le mode d’emploi se réunissent avec l’affirmation que
raconter une histoire est secondaire. Ainsi intitulée, la seconde intervention de Sandrine Deumier et de
Véronique Binst, en violoncelle-musique électronique, poésie sonore et ordinateur exclut toute icone autre
que l’image des mots. Ce qui se projette, se regarde, ce sont les mots en train d’être « faits » informati-
quement.

        En effet, nous oublions que ce que nous tapons sur notre clavier ou lisons sur l’écran de nos ordi-
nateurs domestiques ou professionnels, textes, schémas, dessins sont la manifestation visuelle (et parfois
musicale) de plus ou moins complexes calculs de programmation. Et que tous les médias sont codés de
façon binaire- zéro/ un - dans l’ordinateur. Le programme ne connaît ni images, ni sons ; il suit des règles

Performances - Processus                                                                                          83
   79   80   81   82   83   84   85   86   87   88   89