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                Sandrine DEUMIER et Véronique BINST

                                                Au Musée des Abattoirs
                                                          Trash-tragedia

                                                    Trash-Tragedia une e-cri-tu(r)e encalculée

                            Deux silhouettes se dessinent dans la pénombre de la scène à fleur de peau du grand écran
                 saturant le fond de leur espace. Leur gestuelle et les sons qui trouent le silence, le contour de la femme à
                 l’ordinateur, le contour de la femme au violoncelle s’entre-découvrent, quand, du film lancé, vient une semi-
                 clarté.
                 Le violoncelle refuse les partitions connues; branché, « préparé » à savoir couplé avec l’ordinateur,
                 il compose avec lui, l’e-poésie.
                 De l’aigu, du tranchant, réagit aux images tout aussi tranchantes et aiguës : un appartement sombre, des
                 couloirs abîmés, des pièces dévastées dont le carrelage rappelle les fonctions de cuisine et de salle de
                 bain avec une baignoire.
                 Le sol est jonché de grandes feuilles abandonnées, la porte ne donne pas de perspective. Pas de lumière,
                 pas de fenêtre, fermeture intégrale. Le sombre chromatique comme mental sature l’espace : désigné comme
                 hôtel par le texte s’écrivant dans la champ, malgré l’absence totale de signes indiciels de cet usage, malgré
                 le sordide régnant…ce que n’édulcorent pas les deux êtres cyber-humains/ transhumains qui y déambulent.
                 Une femme dans la baignoire brasse des amas de plumes recouvrant on ne sait quel objet; de dos ou mas-
                 quée, elle cache les indices d’humaine réaction.
                 Un enfant en masque le rendant impassible passe dans une lenteur inaccoutumée à son âge.
                 En parachèvement, le texte se précise : en fuchsia « rouge et nu sous le sang » ou « déshabille les
                 poupées » ou « Buvant vautrée sous la baignoire. Elle tire sur Lui. » Tout devrait être retranscrit de ces
                 terrifiantes sentences.
                 « S’arcboutant dans l’eau rouge, l’un dans l’œil de l’autre. Aux bleus nus sous tes yeux rétractiles.
                 Marbrés longeant le sol au degré trouble étiré rouge des fantasmes et des crises et des cris, longeant le
                 mur jusqu’au bout.
                 Et tu es là. »
                 Terrifiantes d’autant plus que la voix de celle qui leur donne existence, les dit sans montée de voix, dans
                 le monocorde féminin et qu’il s’agit d’amour. De crime d’amour dit sans image le doublant.
                 Le tremblement anxiogène se transmet par le violoncelle, les mouvements de l’archet se marquent sur les
                 cordes, le corps qui l’active produit des saccades ; la voix poursuit son phrasé mélodique.
                 Contrepoint du contrepoint.

            82 Performances - Processus
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