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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS
Yuto HASEBE, The trees, our blood vessels, 2min, JAP
Les arbres et nos vaisseaux sanguins.
Un nouvel instrument à cordes appelé Guitare-Arbre créé dans
la perspective de la morphogenèse appliquée à une avant-garde de l’art et
du design, elle-même intéressée par les phénomènes de formation, imite
les fractales de la nature comme celles d’un arbre ou celles des vaisseaux
sanguins; il se joue à la main. En Asie, les instruments musicaux à cordes
comportent le Morin Khuur, violon mongol à deux cordes avec une tête de
cheval, le Shamisen, instrument japonais à trois cordes, et le Guqin, ancienne
cithare chinoise à sept cordes; ils nécessitent plusieurs cordes pour produire leurs sons asiatiques distinctifs, comme
la gamme DO c’est DO – RE – MI – FA – SOL – LA – SI. En outre, Je m’intéresse, par ailleurs, à des échelles plus
naturelles influencées par les formes mêmes de la nature comme celles des arbres, des rivières, des cornes d’un cerf
ou des vaisseaux sanguins. J’ai ainsi fabriqué ce nouvel instrument à cordes, la guitare-arbre avec une branche en
guise de corde. Les Arbres, Nos Vaisseaux Sanguins est le titre d’une performance où l’on joue de la Guitare-Arbre
dans une épaisse forêt d’arbres japonais ou de bambou. Il est important que les êtres humains ne puissent pas se
regarder fixement et objectivement, parce que la perception visuelle dépend des yeux et que le cerveau est contraint
par le corps humain, lui-même retenu par le monde.
On doit constater que la possibilité paradoxale des êtres humains est de voir le monde tel qu’il apparaît
depuis des perceptions visuelles. Notre reconnaissance de la structure de l’apparaissant va au-delà de deux choses
en même temps, que ce soit dans le monde interne ou externe. Si on peut voir la silhouette d’un arbre dans une
feuille, une branche et une racine, on ne peut pas voir les vaisseaux sanguins s’étendre à travers le corps sans la
technologie d’imagerie comme l’IRM - Imagerie par Résonance Magnétique - la TDM - Tomodensitométrie - et la
radiographie. Cependant ils partagent une structure en arbre commune. Leur morphogenèse répond à une forme qui
suit la même règle pour chacun d’entre eux. Yuto HASEBE
Traduction : Simone Dompeyre
Kai Welf HOYME, 29
Die Wüste wächst / The desert grows, 3min 28, ALL
Le désert grandit. Dans sa concision, une telle pro-
position alarme généralement quant à la sécheresse endémique
du globe. Kai Welf Hoyme nous conduit en une toute autre déser-
tification, de corps et d’esprit. Elle concerne un quartier d’une ville
allemande dont le nom reste inconnu, mais dont les immeubles
blancs aux fenêtres closes ou obscures et à l’architecture iden-
tique ne recèlent qu’appartements vides. Le lieu s’avère emblé-
matique des quartiers réservés à des populations de passage, qui
à leur départ les abandonnent. En l’occurrence, ces appartements logeaient des soldats anglais et leur famille que
la paix a renvoyés chez eux.
Le vent a enveloppé le travelling attestant de l’identité des logements, avec un renversement bas-haut
annonçant que leur usage n’était plus de mise. Ainsi s’amorce l’atmosphère de cet endroit, où glisse de nulle part,
une jeune fille aux gestes répétés, étranges. Ses mains dominent la chorégraphie minimaliste; elles se meuvent en
signes dont on recherche les codes. Devenue ectoplasme, en surimpression d’un appartement où flotte un rideau
vert, ou dans le passage intérieur-extérieur, elle conduit vers une aire parsemée de fleurs et d’herbes sauvages, vers
un panneau avertissant que « l’aire de jeu n’est pas surveillée » accroché à un mur dont le crépi se délabre.
Un fondu au noir emmène vers le corps réel; les mains en gros plan se lancent frontalement, les signes
se poursuivent : signes militaires accompagnés du son d’une pluie forte et se perçoivent quelques mots en anglais
qui ne réveillent pas de contexte historique *, puisque seuls « believe » et « any more » se distinguent dans le même
éloignement d’une relation avec l’Histoire. Le désert serait-il aussi de la mémoire.
Simone DOMPEYRE
* mots empruntés au discours prononcé, le 3 septembre 1939, par Chamberlain, premier ministre anglais,
par lequel il reconnaît l’état de guerre de son pays, après l’invasion de la Pologne par Hitler et l’échec de sa politique de paix.
CINÉMA EXPÉRIMENTAL -ART VIDÉO- MONOBANDES
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