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VIDÉOS NOMADES
Rossella PICCINNO,
You will always cherish the sea, 4min 35, IT/FR
You Will Always Cherish The Sea / Toujours tu
chériras la mer emprunte son titre à un vers de Baudelaire de
L’homme et la mer. Cet homme est celui qui nage, la vue est sub-
jective au sens fort du terme. Ce sont les yeux de Guy Dennis,
qui nage dans sa traversée de la Manche. A hauteur de sa nage,
ce n’est qu’eau et vagues et éclaboussements que ses mouve-
ments provoquent. La poète tendais un miroir à l’homme, pour un
portrait métaphorique, cependant deux vers s’impose avec le plan constant de l’eau, la rigueur de cette composition
qui ne s’effraie pas du temps : « Tu te plais à plonger au sein de ton image / Tu l’embrasses des yeux et des bras »
En effet, la persistance du plan épouse celle du nageur. La force de la mer est celle du nageur.
La vidéo de Rossella Piccinno ne vise pas une preuve de la capacité humaine, ni d’un record sportif, elle
exalte la relation entre l’homme et la nature, même lorsque comme avec la mer, cela ne se fait pas sans implication
hautement physique. Elle glisse une lecture plus métaphorique par la montée des vagues comme barrière, comme
entrave à l’avancée, non plus seulement difficulté physique mais empêchement politique, alors elle se voit comme
un hommage à tous ceux qui défient la mer et les autres formes de barrière au nom de la liberté.
Clément RICHEM, Oasis, 1min 41, FR
D’un rien ou presque, quelques fleurs du marché,
de petits tas de sable ordonnés, Clément Richem fait un monde
heureux. Le plan rapproché transforme ces ingrédients en dunes
qu’une flore luxuriante égaie. L’oasis annoncée, cumule, autour
d’un plan d’eau, renoncules blanches, un lis magnifiquement rose
- rouge, un gerbera et des pavots orange, de petites feuilles et
bourgeons verts, des chardons mauves et de nombreux pissen-
lits à aigrettes prêtes à être soufflées, ce qui dépasse la possible
floraison de telles différentes espèces en un même lieu et une même époque pour composer une palette de formes
et de couleurs, un lieu rêvé.
En une minute et 32 secondes, Clément Richem en suit l’épanouissement et la disparition, entre les
deux seuils en ombre de sa vidéo dont le premier dissipe l’obscurité sur le paysage plaisant et dont le second le
fait succomber dans le néant. La vie y est attaquée par une sècheresse implacable. Le plan fixe focalise sur cet
espace dont les akènes s’envolent, les fleurs se fanent, la verdure s’étiole emportant toute couleur… leur poussière
et détritus salissent et assèchent l’eau, les dunes se ponctuent de noir avant que la nuit/la mort effacent la trace de
cette courte vie. Sous des allures de jeu d’enfant dans la dimension du comme si et la rapidité de cette respiration/
exténuation vidéo, la fable de la mortalité de notre monde est approchée… à moins que choisissant la projection en
boucle *, on y attende l’éternel retour et que le vif revienne. Simone DOMPEYRE
Alicia de la TORRE,
The pool 1 , 3min 12 et The pool 2 , 1min 43, COL
L’altération du temps provoque une distorsion de l’image, de
la couleur, de la forme et des sens. Cela nous laisse respirer et sentir le
corps de l’autre à partir d’un lieu commun qui nous invite à resignifier, ré-
inventer et trouver notre propre voix à travers un lieu qui altère sa propre
forme et se déforme, comme une fusion.
La matière, l’éther, le corps et ce qu’il en reste; l’eau, la lu-
mière, les vagues et tout ce que nos yeux peuvent percevoir devient une
réalité surréaliste. Alicia de la TORRE
* Cf. Performance d’Alicia de la TORRE, P 82
CINÉMA EXPÉRIMENTAL -ART VIDÉO- MONOBANDES 47
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