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VIDÉOS ET FILMS D’ICI ET D’AILLEURS
Tahir ÜN, The game, 2min 55, TUR
Apparemment la règle de ce jeu est de sauter
par-dessus la corde tendue sans la toucher. Tout consiste donc
à s’insérer dans le mouvement sans heurt. A se glisser dans l’in-
tervalle sans rien toucher. A tout laisser indemne. Et à recom-
mencer indéfiniment. C’est un cycle. La répétition du mouvement
imprimé à la corde entraine le regard vers ce qui se renouvelle
sans cesse. Rien de ce qui m’est dit dans le second espace écra-
nique ne devrait pouvoir m’atteindre. La destruction s’effacerait
sous la lente déclinaison des gestes de l’enfant joueur. Comme une forme de réparation. Le double jeu des images
façonne le miroir inverse où les deux côtés s’annulent l’un dans l’autre. Le jeu empêcherait la guerre, ou la guerre
arrêterait le jeu. Jouons en espérant. Sandrine DEUMIER
Bénédicte VANDERREYDT, I’m 14, 9min 47, FR
Portraits croisés de trois adolescentes de 14 ans de
pays, de culture différents : Valentine vit à Bruxelles, en Belgique.
Ru’a vit dans le camp de réfugiés de Dheisheh, en Palestine. Lo-
raine vit à Lubumbashi, Katanga, au R.D. Congo. Cependant au-
jourd’hui, à 14 ans, on se photographie, on se décrit. On se regarde
presque compulsivement. Ce serait un portrait de l’adolescence,
ainsi ressemblante par son imprégnation de modèles véhiculés par
les réseaux sociaux. Pourtant se risquent des points de regret de ce
qu’imposent aussi des modèles sociaux, parfois soumis eux-mêmes
au religieux. La réalité politique affleure par les lieux de la photographie où cependant, souvent elles posent plus
qu’elles ne sont. Encore que la leçon de film, c’est que sourd sous le répétition du geste et de ce modèle, la personne
qui vit. Bénédicte Vanderreydt darde son regard aiguisé de photographe sur ces espaces; elle sait dans la composi-
tion claire, préciser qui est qui.
Les jeunes filles y gagnent une beauté d’entre la création de ce qu’elles cherchent à paraître et ce
qu’elles souhaitent fortement être. Les mots, en off, précisément parce qu’entendus dans ce décalage participent à
cet entre-deux; les voix sont celles des trois adolescentes qui vivent dans ces lieux si distincts du globe mais elles
tracent un parallèle par le point de la vérité.
I’m 14 invite à ce décryptage du latent, en un jeu complexe de miroirs.
Era VATI, Crossing, 3min 19, HOL 43
Crossing s’inspire des peintures allemandes et néer-
landaises des XVIe et XVIIe siècles, par son emprunt au système
symbolique quand l’objet n’y est pas seulement indiciel d’une scène
de genre, le pot de la laitière ou la globe de l’astrologue mais qu’ils
énoncent des propos d’autre ordre. Les vêtements et objets égrènent
des références à la classe sociale, à la profession et parfois pour
les portraits au caractère des personnes ou du moins à celui attendu
par leur statut social mais ils occultent aussi en rébus des vérités de
pensée. Crossing vivifie le tableau par la vidéo tout en complexifiant
le propos et en perturbant l’axe généralement retenu pour les scènes
de genre. En plongée, ce sont des corps peu ou prou vêtus, jeunes
filles et garçons formant un cercle en étant couchés au sol, sur le dos. Ils sont cinq, cinq personnalités d’où se
dessineraient cinq rôles différents, mais le jeu de passage de l’un à l’autre par un simple mouvement des membres,
entraîne aussi à y lire les diverses facettes d’une même personnalité, celle en train de Crossing, avec le cortège de
sa synonymie : le passage, la traversée, la traverse, le croisement, le métissage qui rassemble cette potentialité de
plusieurs près chacun l’un de l’autre ou de plusieurs en chacun.
CINÉMA EXPÉRIMENTAL -ART VIDÉO- MONOBANDES
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