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TRAVERSE VIDÉO AU CINÉMA UGC
Je crée ces vidéos pour trouver des espaces de projection de soi sous d’autres formes que celles
empruntées dans la vie quotidienne. Ne retenir de la réalité que l’apparence immédiate serait la trahir et éloignerait
des possibilités de reprendre contact avec son propre mystère. Tous les jours, je me demande comment arriver à la
personne que je suis... peut-être en explorant ma propre énigme... comment ? en créant des images qui s’adressent
directement à l’œil, au cœur, au corps, et qui parlent à l’inconscient ? en me questionnant sur comment élargir tou-
jours plus le champs des possibles et imaginer que l’irréalisable se réalise ?
Par l’acte poétique, je m’autorise à créer une autre réalité, située au cœur même de la réalité ordinaire;
peu à peu, je comprends que ces actions poétiques, plus qu’une simple recherche esthétique, sont de véritables
actes « psychomagiques »; qu’ils me permettent de sublimer les conflits, les problèmes apportés par la vie, pour
les transformer tant que faire ce peu en quelque chose de sensible. Et plus que tout, que ces images continuent à
circuler et à se transformer dans l’imaginaire de l’autre...
Marie SERVAS, J’avais cru, 1min 34, ESAD Reims
Traverser le quartier comme dans un enchantement, la tête pleine
de rêves cinématographiques. Une déambulation dans l’urbain mais hors de la
tonitruance, dans le mouvement calme propice à l’attente d’autres réels. Une
claire référence au cinéma du passé sourd dans J’avais cru de Marie Servas.
La vidéo en noir et blanc, reprend des fragments sonores de ces films. Cepen-
dant, dans les rues actuelles, un ange en baskets, marche dans les rues d’un
quartier populaire, imperturbable, sans relation avec quiconque. Et ces passants ne le remarquent pas davantage.
Fantôme, malgré ses longues ailes blanches, si l’on se souvient du complément de J’avais cru qui lui en appelle à
la musique: « J’avais cru qu ‘en changeant de château, je changerai de fantômes. »
Arnaud GERBER, La vie réelle (sans défense), 1h 17min, FR/ALL
Reste à relire les lettres
Un contrepoint souverain porte le film. Il noue une voix d’avant lisant des textes de 1936 - 1937 à des
lieux actuels et très divers : Paris et de nombreux passants, la plage quasi déserte, Deauville et des parasols noués
et la mer toujours recommencée. Des lieux très éloignés des propos de ce qu’un carton-prologue désigne comme
les lettres écrites par une jeune femme, agrégée de philosophie, qui voulut connaître de l’intérieur le monde ouvrier
et se fit embaucher pour le travail en usine : Simone Weil.
Des propos dans lesquels elle-même se réclama de toucher ainsi « la vie réelle ». Le titre atteste de la fidélité 49
à cette implication viscérale et pensante. Le film est une poétique sur le monde toujours « ( sans défense ) » des
employés actuels; sa cohérence interne, sa tenue cinématographique l’éloignant de l’exercice de style.
Et que la jonction des deux engagements ne vint qu’après le projet premier de film n’empêche pas l’os-
mose. En effet, d’abord ce furent une image et une phrase qui guidèrent Arnaud Gerber; celle de la passerelle - que
le film nomme « La Jetée » - qui ne mène nulle part mais surplombe deux cimetières, cachés derrière les gratte-ciel
de la Défense et le « Comme le Chrétien se prépare à la mort, le Moderne se prépare à la retraite » de Péguy et dont
le réalisateur voit l’application dans les mains des usagers qui se tiennent à la barre des trames de métro : « parce
qu’il faut se tenir, parce qu’il faut bien tenir ».
CINÉMA EXPÉRIMENTAL -ART VIDÉO- MONOBANDES
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