Page 104 - catalogue 2017
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Photographies 3. Prép’Art
Ce faisant, le recto verso interroge la sûreté
avec laquelle on répète que les yeux sont la
marque de l’identité, puisque chacune des
cinq personnes se reconnaît encore dans
sa façon de les froncer, de les fermer.
Les cinq bocaux sont posés dans des
meurtrières agencées dans une grande
vitrine. Ces espaces conçus à leur taille,
exhibent sur la rue – alors en travaux ce qui
impose et un recul et un rapprochement.
Recul par le trottoir défoncé mais alors la
lumière qui les entoure se refète sur eux,
attirant dans la nuit les non-prévenus, les
passants. Rapprochement parce que le
désir de saisir ce qui se trame dans ces
bocaux, fait passer la porte alors les yeux fermés refusent une lecture arrêtée.
Pas de son, l’eau étale est insonore, si ce n’est, pour qui contourne ces objets ou pour le photographié, celui
mémoriel de la mer ou avec un jeu de mots facile de la mère. Bocaux de naissance, liquide amniotique ou simplement
trace revue du « ça-a-été » de la photographie réalisée sous l’eau.
On se prend à une attitude calme et au mutisme en faisant le tour, fasciné et du regard adressé ou du regard enfoui,
puisque ce sont des personnes constituées et non seulement des promesses : femme, hommes, enfant chacun
avec ses traits, son identité civile non révélée, cependant poursuit sa vie- image.
IN VITRO répond à un désir de naissance, celle de l’image. La recherche d’Amaral et Barthes concerne une
réactivation du regard saturé d’images anodines. Elle implique en abyme, ce jeu de colin-maillard : voir / ne pas voir
ou la croyance de l’enfant qui fermant ses yeux croit qu’on ne le voit plus. Qu’en est-il de l’image quand on ne la
regarde plus ? Qu’en est-il de l’image quand on ne la / quand on n’en désire plus ?
Simone Dompeyre
Eléna SALAH, Traverse (Fr.)
La Renaissance découvre l’Antiquité par les ruines des temples et
des grands monuments et la chante en poésie ; le XVII ème siècle
en fait un genre pictural avec fragments de colonnes, d’arches,
de temples en marbre blanc ou l’inscrit dans ses tableaux
mythologiques ou même historiques ; les XVIII ème et XIX ème siècles
exaltent toutes les ruines ; grande chapelle et châteaux forts
rejoignent les antiquités : Diderot, dans ses Salons, commente
cette poésie des ruines : « Nous attachons nos regards sur les
débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un
temple, d’un palais, et nous revenons sur nous-mêmes. »
Cet amour, cette recherche portent ainsi principalement sur les
fragments des grandes constructions du passé. Elle développe la
réfexion sur le temps qui passe et ce qu’est l’homme.
Traverse d’Elena Salah a un regard plus près, proche, sa poétique
des ruines est à hauteur d’homme.
L’image est celle d’une petite maison. Celle du soleil posé sur ce
qu’il reste d’une humble habitation. Il n’en subsiste qu’un mur au
crépi très atteint, une porte étroite de bois entr’ouverte et un grand
balcon de fer peu ouvragé et comme penché sur lui en oblique, un
châssis de fenêtre du bois aux fenêtres disparues. Il n’y a plus un
dedans et un dehors ; la végétation y habite, des plantes sauvages
détachent leur vert sur le noir fatigué de la ferronnerie, la brique
frustre irrégulière et marron se fond dans l’ombre légère d’une
journée à l’atmosphère d’été.
La marque que quelque chose a eu lieu, quelque chose de
destructeur ou le simple abandon des hommes ; Eléna Salah sait
que c’est une ville sicilienne détruite par un tremblement de terre qui l’a rendue dangereuse et inhabitable, en 1968.
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