Page 103 - catalogue 2017
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2. Goethe-Institut Photographies
En s’approchant des tableaux, l’on reste de plus en plus surpris et déconcerté, en découvrant que les signes
presque abstraits vus de loin se transforment en objets dont les formes ne correspondent pas à celles que l’on
pourrait s’imaginer en cherchant à les interpréter selon les règles d’une reproduction fdèle à la réalité des objets
photographiés.
À l’autre extrémité du point de vue technique mais en gardant ce projet d’abstraction et de dénaturation de l’objet
photographié, et ce, cette fois par la technique d’impression, une empreinte à la gomme bichromatée sur papier
fait à la main en coton du Tibet. Cette technique d’impression artisanale parmi les pigments de l’aquarelle ouvre
de belles possibilités de coloration. L’option du pigment doré et d’un carton très épais contribue à transformer
l’empreinte en un objet en trois dimensions qui vit dans l’espace une existence autonome, la photographie des brins
de papier d’une afche déchirée devenant secondaire. Ainsi, elle-aussi devient-elle un Relief par ses processus
diférents de ceux des empreintes 3D.
3. Prép’Art
Audrey BARTHES et Michel AMARAL, La chambre bleue, claire / IN VITRO (Fr.)
La chambre bleue, claire se dessine fragment par fragment avec
la quasi constance de cette couleur – deux plans seulement lui
préfèrent les camaïeux de jaune. Elle glane des éléments au plus
près avec parfois la défnition de son usage, avec le plus souvent
une perte du référent.
L’objet se perd, la photographie se forme monochrome ou pas.
Le bleu frmament, le bleu lumière sont ceux d’une chambre
d’hôpital…le lit, les instruments de soin, poche à sérum et autres
utilités la composent. La focalisation sur un élément lui-même
donne souvent une simple trace voire l’abstraction d’une fgure
géométrique.
Que cela avère la force plasticienne de l’image photographique
n’exclut pas une certaine irrévérence au maître du «ça a été»,
Roland Barthes dont La Chambre claire tente de retrouver l’aura
de la mère, en sortant de l’oubli sa photographie. L’ouvrage lie
la photographie et la mort et le pouvoir de la trace. Plus encore,
Roland Barthes eface le signifant pour une attestation d’un « c’est
ça » ; en rappelant qu’il n’y a pas de photo sans objet ou être face
à l’objectif... c’était avant le numérique. C’est pourquoi, il annule la
graphie de photographie taxée d’invisible, puisque ce serait l’objet
que l’on voit selon une de ses formules « Bref, le référent adhère ».
Inversement, la force tranquille de cette exploration d’un lieu naît
de ses compositions gagnées par le cadre préleveur, le cadre
organisateur, le cadre créateur. La captation du regard ne vient pas
de la reconnaissance de l’endroit à moins de ne voir en une série qu’un jeu de piste pour dimanche de pluie et
non une variation sur l’ombre et la lumière, une variation sur le ton de la couleur, une variation par juxtaposition de
formes et de couleurs de composants. Et tout le reste est littérature.
IN VITRO le syntagme évoque, aussitôt dit, la naissance en laboratoire, le processus biologique suivi dans des
éprouvettes, des tubes, du verre. Ce serait méconnaître le constant décalage en jeux de mots du duo d’artistes.
Comme La chambre bleue, claire éveille le lecteur de Roland Barthes, IN VITRO celle du désir de la création /
procréation et de la recherche.
Cinq récipients de verre énormes dépassant ostensiblement la taille de ce que nécessite la fvete.
Cinq bocaux fermés par un bouchon gris - du béton - enferment chacun une photographie double, dont le recto
cadre une personne en plan rapproché poitrine topique du portrait, yeux fermés et le verso la duplique yeux ouverts.
Ces images, tenues droites par deux minuscules plombs, fottent dans un liquide transparent.
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