Page 108 - catalogue 2017
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Photographies 5. Les Abattoirs
Suivre les débuts de la photographie, entraînerait plus précocement, encore, cette quête d’une écriture par la
lumière, cette quête de l’image faite sans la main de l’homme l’acheiropoïète… Talbot serait le premier nom à retenir
pour avoir obtenu en 1834, le premier photogramme durable de plantes, en 1846, ses Bonnets et pour avoir édité
le premier ouvrage avec ces calotypes The Pencil of Nature / Le Crayon de la Nature… et sinon le dernier, celui de
Céline Henry qui, si elle fait série de dessins de mains se dessinant, en bande de Moebius, fait inversement travail
de sténopé et de photogrammes. Les dispositifs archaïques au sens de premiers, pour un propos sinon narratifs
mais en germes d’histoires.
Les sténopés sur diverses feuilles arrachées au bloc notes, au carnet, sur calendrier impliquent la trace du quotidien,
des activités des personnes ainsi retenues en un geste arrêté, en une attitude pensive. Quoiqu’encadrés dans de
petits caissons noirs à leur fragile dimension, ces portraits en pied nous échappent, ils seraient dans cette instance
où le développement ne sait arrêter l’imago.
Quant à la série Dans le noir, elle éveille une lumière asphyxiante. Le petit format autorise la multiplicité sur un
même mur à hauteur d’yeux, ainsi captifs devant la porte qui s’ouvre sur une lumière concrète, matérielle, en
entrebâillement ou plus grande ouverture. L’empreinte n’est pas simple attente d’une trace mais travail concerté et
orchestré en variations lumineuses et obscures. Le noir n’est pas une absence de lumière mais une autre lumière,
une autre densité. La lumière fuse ou glisse ou explose. Céline Henry allie à « l’empreinte photographique (…) au
dessin et au modelage, à la peinture, à l’encre et à la cendre ». Elle y fabrique un processus non seulement au
premier degré d’un travail se poursuivant, non parce que son titre évoque le moment propice à la peur, au non
connu, à la crainte de ne pas savoir et de craindre de savoir mais surtout parce que « la série garde ses « ratés »,
images surexposées ou sous-exposées ou avec de légers défauts entre deux interstices. »
Ainsi si le propos est « d’exorciser un cauchemar », les multiples ouvertures dont jaillit la lumière, le tracé du
matériau, les volutes et évanescences, les droites et les virgules sufoquent bien plus dans la beauté de cette
« archaïque » lutte de la lumière et de l’ombre qui marque qu’il y a là auteure.
Simone Dompeyre
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