Page 124 - catalogue 2017
P. 124

Installations 5. Lycée Ozenne - boucles sur écran


Marie-France GIRAUDON et Emmanuel AVENEL, REJETS, 3min15 (GIV, Can.)

Toujours ce duo d’artistes s’est pleinement, viscéralement dévoué
à la cause écologiste, métaphoriquement ou plus expressément.
Cette vidéo mêle deux tonalités en investissant un lieu rêvé pur
et intact par un être étrange vêtu-couvert d’un collant rouge qui
cache jusqu’à son visage.
Il avance et les mots sont inutiles puisque ses chaussures à
crampons récupèrent dans sa marche moult déchets.
Son exploration du milieu glaciaire découvre la déchirure, passant
entre pureté et souillure, dans sa marche entravée d’obstacles
incongrus. Cela provoque un intense combat visuel et sonore, dent
contre dent. La progression du pied-caméra en quête de paysage
se heurte à une accumulation de rejets humains dans lesquels il s’empêtre. Le rejet des objets à même la neige doit
induire notre rejet de tel comportement. La vidéo se fait militante sans didactisme et avec une paradoxale poésie.

D.S
Thomas LASBOUYGUES, Géothermie, 10min36 (Fr.)

Géothermie, en 10 minutes et 36 secondes, garde les traces du
voyage en Islande du réalisateur : Thomas Lasbouygues. En une
relecture numérique, la vidéo transforme les paysages typiques
pour une partition variant plans fxes / plans en mouvement comme
autant de blanches et de noires. Un compteur s’inscrit tout au long
de la déambulation, il déroule le temps. Cependant la perturbation
de l’image, par fragmentation, accélération, invente sa propre
densité temporelle.
Et le réalisateur se fait peintre quand loin d’un simple constat en
appel au sursaut écologiste, il réactive le regard sur cette terre. La bande sonore participe à cette convocation de
prise de conscience ; elle associe à des sons métalliques et à ceux de la machine numérique, le bruit du vent et des
sons captés de la nature.
« Géothermie » comme de nombreux termes scientifques se colle à l’étymon, ici le grec géo / la terre, agglutiné
à thermos / chaleur ; la dite-science étudie les phénomènes thermiques internes du globe terrestre ainsi que la
technologie qui les exploite. C’est aussi parfois l’énergie géothermique issue de l’énergie de la Terre, convertie en
chaleur. Thomas Lasbouygues dérive de la réfexion sur le réchaufement vers celle sur l’image numérique / calculée
des phénomènes thermiques.
Les images s’apparentent à celles des caméras de surveillance.
Le paysage est ainsi analysé, surveillé, alors que l’image est questionnée par les altérations et efets qui lui sont
afectés. Les paysages sont désertés et gris y compris paradoxalement les plans de volcan alors que l’écriture
calculée les entraîne vers le fctif. La terre abîmée est mise en parallèle à l’image « abîmée » par les efets numériques.
L’image est aussi contrôlée que son sujet. La vidéo est doublement réfexive. Si compteur, titre et sous-titres
déplacent l’image dans le registre scientifque, elle ne s’y enferre pas, nous emportant en un élan poétique. Le travail
de Thomas Lasbouygues s’approche du paysage en un double sens par sa fonction esthétique / le paysage-genre
comme dans son apport par le biais de données physiques à la pensée écologique / le paysage partie du monde.
Cette relation science / poésie numérique prouve son double engagement pour la terre et pour la création numérique.
Julien Lagorce
Diane OBOMSAWIN, La forêt, 3min40 (GIV, Can.)

Le plaisir de l’enfant qui sommeille en l’adulte est réveillé, excité à tel point qu’il aimerait voir et revoir la vidéo
comme l’enfant demande d’entendre encore et toujours, la même lecture avant de s’endormir.
Désarmante, la ligne claire préfère les contours schématiques et la couleur distinctive; simple, le discours dénomme
les êtres par un signe diacritique; cette petite forme là qui s’échappe en rouge devant un loup au pelage plus détaillé
est la petite flle en chaperon de Perrault; le renard porteur du fromage est sans crainte d’erreur, celui qui a dupé
le corbeau chez La Fontaine; le lapin qui court, accompagné du tic-tac sonore d’une montre, a quitté le pays des
merveilles d’Alice pour rejoindre celui de Diane Obomsawin.


122
   119   120   121   122   123   124   125   126   127   128   129