Page 126 - catalogue 2017
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Installations 5. Lycée Ozenne - boucles sur écran
Liliana RESNICK, Reopening the Past, 12min (Croat.)
La vidéo s’interroge sur ce qui se passe quand votre esprit est muré
par le passé. Liliana Resnick
Reopening the Past afrme un projet, celui de la mémoire, celui
du refus de l’oubli, cependant que la vidéo-danse ainsi intitulée,
glisse le narratif en bribes légères dans l’espèce d’espace qu’elle
crée. Sans longue explication, sans même d’explicitation, dans un
constant bleu déréalisant et délocalisateur, elle entraîne des formes
féminines fantomatiques, dans la gestuelle codée de la danse
contemporaine.
Ce non-lieu envahi, en début et bouclant en fn, par de hautes
herbes tremblotantes au vent, engage à penser le sens. Il provoque un dedans avec une table recouverte d’une
nappe drapée blanche – mais bleuie par le teintage unanime sur un sol ferme mêlé à ce dehors de campagne.
Ceci n’est pourtant pas une chorégraphie qui chercherait la prouesse des corps ; au contraire les mouvements
adoptent la simplicité d’un penchement de tête, d’une assise, d’une avancée, le corps droit comme la tête et le
regard devant soi.
Une femme danse, virevolte, se courbe, l’avancée est simple ce que la surimpression d’une, puis deux, puis trois
couches… perturbe d’autant que l’horizontale, elle aussi, subit diverses orientations, l’espace penche, les couches
d’images bougent l’une sur l’autre, simultanément à l’implication en danse, d’une seconde, troisième et quatrième
danseuses ; leur coifure les distingue dans le même vêtement sobre et sombre.
L’une debout, l’autre assise, l’autre se meut, l’autre se pose sur la table, en saute ; ce n’est pas un exercice à la
Degas qui reconstituerait ainsi le mouvement d’une image fxe ; si elles ne font pas de grands pas, ni de grands
mouvements, elles sont d’abord des femmes. De cette multiplication, en ce lieu restreint qui ne s’ouvre que par les
changements d’échelle, sourd une angoisse de saisir sans saisir la réponse.
Cela fait foule, poétiquement dure. En fonds, en osmose la partition d’un tempo lent mêle des sons de vent, de mer
enveloppant et lointain à la fois sur lequel se détachent, parfois et alors en boucle, des saccades de percussion, des
sons crépitant. Un ici et là, un proche et un lointain, un écho, un prolongement sans fn…
Dans la profondeur du champ ainsi creusée, les femmes multipliées se rapetissent, la table s’éloigne, quand le plan
privilégie le corps, ils sont en mouvements ralentis, quand les yeux se discernent, ils portent l’inquiétude.
Ces femmes en actes de beauté se réunissent sans se voir, elles se côtoient chacune sans rencontre, dans ce
monde qui n’a plus les distinctions référentielles du dedans et du dehors ; leur pensée ailleurs, prise dans le passé
ne leur ofrant toujours pas l’accalmie du vivre maintenant…
Qu’est-ce qui se passe quand votre esprit est muré par le passé? Le monde intérieur des êtres humains et l’extérieur
les enferment.
Simone Dompeyre
Susanne WIEGNER, at the museum, 3min (All.)
Ou comment trois minutes de composition numérique embarquent
la pensée dans cette fascinante question : la mise en abyme, dont
le syntagme est cité à l’envi par tous les étudiants du monde,
et pas par eux seulement. Dès lors le rappeler, cette modalité
auto-réfexive concerne le texte de quelque médium que ce soit,
pour preuve cet « objet » numérique, at the museum. Une telle
structuration intéresse les divers systèmes de signes, dès lors
qu’elle produit une enclave ayant pour référent la totalité qui est
son cadre.
Le syntagme vient du champ sémantique de l’héraldique et est « lancé » par André Gide, qui ne l’a pas pour autant
inventé, mais dont la précision est si claire : « J’aime assez qu’en une œuvre d’art on retrouve ainsi transposé, à
l’échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre. Rien ne l’éclaire mieux et n’établit plus sûrement toutes
les propositions de l’ensemble. » Un tel système agent réfecteur / élément réféchi suit trois types de structures; la
réfexion simple cantonnée à la duplication sur le modèle du blason dans le blason ou de l’image réduite incluse dans
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