Page 125 - catalogue 2017
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5. Lycée Ozenne - boucles sur écran Installations
Plus couleur locale mais sans désir taxinomique, des arbres
ligneux abritent une chouette aux yeux petits et marqués; l’oiseau
se multiplie dardant ce regard. Son groupe protège le domaine,
en occupant à plusieurs chacun des troncs, et il hulule alors que
des silhouettes humaines naissent multiples de ces bois, avant, en
un ordre inversé, de se réduire à une fgure, en synecdoque de la
naissance de l’homme des bois inhérent à la culture canadienne.
L’orignal, à l’ombre plus fdèle, ne fait que passer comme indice
local. L’ours blanc qui se mire dans l’eau ou son homologue qui
tire, à deux occurrences, la corde d’une cloche, refusent le modèle
canonique; le second se lance souplement dans une danse urbaine,
le premier est un nouveau Narcisse qui se mire tant dans le petit lac qu’il s’y noie en laissant la feur éponyme feurir
sur son bord.
Le réalisme n’est jamais de règle, encore moins quand, de ce point d’eau, surgit pour disparaître aussitôt, une
baleine ou qu’agrandie par le premier plan, une grenouille du temps grimpe à l’échelle météorologique; ce lieu
s’exclut de telles obligations et circonstances spatio-temporelles. Cette vie a quitté les livres et les légendes dites,
pour un monde paisible et allègre à la fois. Les chauves-souris ont beau voler en nombre et en ombre, elles ne
brisent pas l’atmosphère.
Pas plus que le Sasquatch / géant velu ne cristallise de peur, avec sa grosse denture et son immensité qui déborde
les arbres mais sa face naïve... Quant à la clausule musicale en chœur de voix masculines - celui du Comedian
Harmonic - entonnant ln einem kühlen Grunde, elle ne se comprend pas comme une plainte, que les paroles en
allemand nous échappent ou soient comprises; car les chanteurs, petits sapins verts - par défnition - grimpés
tout au long de la crête des montagnes, ouvrant à plein élan leur bouche à une seule dent, nous garantissent que
l’on peut, sans réticences, se laisser aller au plaisir et que la douleur de l’amour disparu s’eface dans la forêt de
l’enfance.
La Forêt de Diane Obomsawin est le bonheur gagné des cultures multiples, elle est la compréhension des contes en
variations du dire. Elle est la confance en l’animation de fonder son monde, sa propre logique, son espace - temps.
La preuve que le cinéma forge sa langue spécifque en puisant aux grands ancêtres du récit oral et littéraire.
Simone Dompeyre
Federica PEYROLO, Sorpressata-fragile, 10min29 (Ital.)
La vidéo performative s’essaie à de nombreux objets et éléments
apportant à chaque fois, leur lot de connotations et l’étrangeté
renouvelée de la situation. En duo à même le sol, les deux
«extractions» renversent plus encore l’ambiance de l’élément
couvrant… le visage gagne l’air à travers les copeaux de
polystyrène utiles pour le transport des objets et, ainsi, redevient
l’humain jusque-là enfermé. Le visage se délivre d’un tas de jouets
hétéroclites, échos de ceux dont la fête foraine emplit certains
bacs. Retrouver fgure humaine réclame de savoir se débarrasser
de ce poids de choses devenues inutiles ou ayant toujours été
futiles.
D.S
Le corps de l’artiste tente de s’extraire d’un amas d’objets et de mobilier puisés dans le grenier de sa maison
familiale d’un village du nord de l’Italie, livrant une véritable bataille «contre et avec les objets du passé et du
présent». Comment se construire à partir d’une histoire familiale, s’afranchir du poids du passé, se libérer de ses
entraves ? « Sortir du tas » comme on dit « sortir du lot » pour trouver sa propre personnalité, pour exister en tant
qu’individu au sein d’une communauté et littéralement renaître au monde. Le travail de Federica Peyrolo aborde le
passé non pas sur le mode nostalgique, au contraire avec la conscience éclairée qu’il est le socle depuis lequel tout
individu s’origine, mais aussi un poids dont il faut se délester pour parvenir à trouver sa propre voie.
Exposition L’ORIGINE D’UN MONDE - Christian Alandette
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