Page 120 - catalogue 2017
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Installations 4. Goethe-Institut


Jonas MEIER et Mike RATHS, The Destroyed Room, 3min (Suis.)
The Destroyed Room / La Chambre Détruite afche le décalage
dans son nom même, puisque loin de se cantonner à une pièce,
l’espace découvert selon des montées est commercial. Espace qui
se restreindrait au plan fxe sans ce travelling vertical.
La lumière est celle artifcielle de ce type de magasin mais le
voyage commence sur l’obscurité et l’écho de lumière dirigée
d’une nocturne.
Les clients échappent à toute analyse du marché en un concours
de comportements « destroyed » selon l’usage que l’on en faisait
pour qualifer de « déjantée » une personne : la liste accumule les
inattendus, au passage du mouvement ininterrompu. Avec ou sans
ustensiles, avec attitudes incongrues, hommes, femmes, enfants,
animaux et voitures se succèdent ; sans ordre particulier sauf
quand cinq adultes costumés en cow-boy chevauchant des jouets
à sous sont remplacés par cinq femmes hors des canons de la
minceur de mannequins se trémoussant, avant qu’un efet ficker
ne les fasse homme / femme en superposition rapide.
Tout au long, des comportements attendus ailleurs surprennent :
une dame âgée avec canne tente de bouger en rythme sur l’auvent
d’un étage, des enfants jouant de la musique sur une palette à
roulettes vont vers la droite puis la gauche tirés par un poney avec
des chaussures ; des bodybuilders vus à demi derrière des étagères exhibent leurs muscles huilés devant.
Voire s’adjoint du non acceptable : la voiture étrangement roule sur la coursive mais surtout elle tire un homme
allongé… un vendeur pousse un portant de vêtements, deux apparaissent ex nihilo mais surtout une jeune femme
est, ainsi, à son tour, tirée au sol.
Des chiens sont soulevés par des ballons à hélium, un sanglier traverse l’espace sous le clignotement : lumière /
obscurité…
Cela prouve la capacité à inventer un espace-temps sans logique du quotidien et peuplé d’êtres tout aussi illogiques
pour un regard amusé.
Cependant The Destroyed Room est un titre emprunté à un album de Sonic Youth et cette vidéo, une autre preuve
de l’inventivité du genre « clip » qui intègre ses musiciens, dont Rusconi en salopettes, eux toujours jouant ce qui
les fait reconnaître parmi cette population bien plus décalée.
Simone Dompeyre



Bjørn MELHUS, FREEDOM & INDEPENDANCE, 15min (AOM, All.)

Une dystopie en satire.
Très tôt, le montage alterné perturbe puisqu’à un homme en uniforme, plan frontal, discourant sans arrêt des
notions annoncées, répond une mégapole hérissée de multiples tours, des jardins aux plates-bandes trop bien
dessinées avec un absolu manque de vie… Modèle à l’occidentale simultanément appliqué et distancié d’autant
que le générique confrme la localisation induite par deux enseignes en langue turque : les faubourgs d’Istanbul.
Du ciel bleu, digne de publicités pour de nouveaux lotissements, surgissent deux boules diformes bleue et rouge
qui se transforment à l’atterrissage en deux cyclistes avec casque et maillot des mêmes couleurs arborant les deux
pendants du titre « Freedom » et « Independance ». Ces deux hommes sont les seuls à profter des espaces et très
particulièrement de ceux dotés de machines de sport, ridiculisant ainsi, l’acception des deux notions réduite à la
liberté d’arpenter cet espace vide.
La leçon de pseudo-philosophie se poursuit en un autre apologue, avec un déplacement sans annonce ni logique
dans une crypte. Son abside fanquée de deux gardes, porteurs de fambeaux, tête encapuchonnée, abrite une
étrange Pieta puisque visage masculin, sans fls mort dans les bras, elle se tient au sol, drapée de blanc et d’une
aura étincelante… et surtout, yeux levés vers le haut, elle obéit très vite à une matrone, poitrine plate, vêtue de noir
et scandant ses articles de foi de coups de badine sur sa main gantée.
Elle l’oblige à psalmodier l’ABC comme début des mots à glorifer mais s’y mêle des « Oh, my god » que l’énonciation
geignarde désacralise en regret populaire. Elle poursuit sa méthode de coercition de la pensée avec un nouveau
déplacement vers une morgue, claire, verte comme la chemise portée par les cadavres bientôt ressuscités en
un mouvement suivi partant des pieds. Après s’être pendus aux parois, ils adoptent la démarche robotique des
esclaves de Métropolis sans l’espoir d’un sauvetage par une jeune flle éprise de liberté.
L’un ôte son capuchon raide, écho des photos de Guantanamo, et découvre un visage pustuleux – aux traits
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