Page 144 - catalogue 2017
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Installations 11. Abattoirs



La voix se tente iconogène quand elle transforme en « vestiges », en les désignant comme tels, des pans de murs
modernes ou, quand devant le rien, elle décrit les dessins sur les pierres, les empilements rituels de petits cailloux
ou un géoglyphe. Elle ne peut y parvenir quand elle relate la découverte de « grands récipients trop lourds pour être
portés (...) et dès lors, fabriqués à même le paléosol, le sol primitif » parce que les deux hommes travaillent avec un
simple treuil tenu sur trépied pour renverser le contenu de ciment d’un gros tube.
Le plus souvent n’y a lieu qu’une lointaine ressemblance et les artefacts ne deviennent les « formes naturelles qu’ils
(les hommes d’alors) achevaient et perfectionnaient » que si on veut les reconnaître comme telles.

Parallèlement, les afrmations quittent les préoccupations du réel pour gagner le champ métaphysique / religieux
concernant la motivation des Anciens de « graver leurs vœux pour l’Eternité » et pour appeler « Œil de Dieu» un
ensemble de stèles autour d’une stèle en ellipse, alors la distance opère très distinctement puisque ce sont des
radars militaires et qu’on les rapproche du tank gonfable. Cela le carton fnal le confrme, en justifant les véhicules
comme ceux de l’armée israélienne qui a établi une zone d’entraînement militaire, près du Mont Har Karkom, dans
le sud du pays; en reconnaissant les constructions minimalistes comme autant de possibilités d’exercices et en
identifant le découvreur de sites, Anati. Responsable de quinze campagnes de fouilles de 1980 à 86, dans le Sinaï
et le Neguev, il sacralise le Har Karkom en interprétant les signes et dessins comme des fgures du livre fondateur
de sa nation.
Paleosol 80 South développe un contrepoint virtuose en entrecroisant la voix enthousiaste, vibrant de la foi du
trouveur, l’espace militaire au bleu poétique de la prise de vue flmée paradoxalement par une caméra à usage
militaire. Le lieu documenté devient celui fantasmé de la recherche des origines et de la sauvegarde armée du
peuple d’Israël. Dépassant l’exercice de style, Paleosol 80 South réunit deux piliers de cette nation, en langage
onirique.
Simone Dompeyre

Emmanuel PITON, Les Eaux Dormantes, 15min (Fr.)

Le flm débute en poésie et déclare son refus de la facilité en
favorisant le NOIR et l’image à gagner sur cette obscurité…
Poétique du matériau ratures, non fguratives, éclats de lumière
trouant le noir ; vers disant la terre et la ville perdues sous l’eau…
NOIR.
L’incipit suit sa fonction de marqueur d’atmosphère, de projet,
d’écriture mais il cache la portée nettement politique de ce poème
cinématographique dont des cartons minimalistes sur fond noir
et simple graphie, en stations de croix, arrêtent sur le rappel de
divers incarcérations ou assassinats de personnes engagées ou
ayant simplement osé se manifester contre une exaction.
Dates sans chronologie simpliste du 17/12/2010 au 2/11/2006,
du 15/05/1969 au 20/02/2011, lieux internationaux de Sidi Bouzid-
Tunisie à Dansk, de Oaxaca au Mexique à Corrientes en Argentine ou à Koudouzou au Burkina Fasso, toutes sont
liées à la répression policière.
Toutes introduisent des désespoirs ou des engagements réprimés, dont deux au moins déclenchèrent qui le
Printemps Arabe, qui les grandes grèves de Pologne : Mohammed Bouazizi s’immolant par le feu après confscation
par la police du maigre étal de fruits et légumes grâce auquel lequel il survivait ; Anna Walentynowicz licenciée
des chantiers navals pour ses activités militantes en août 1980, ce qui suscite un fort émoi parmi les ouvriers
et entraîne une grève massive à l’origine du syndicat NSZZ Solidarność, dont elle est la cofondatrice avec Lech
Wałęsa. Anonymes dressant des barricades contre les escadrons de la mort ou dénommés comme Juan José
Cabral étudiant assassiné pour avoir protesté contre la privatisation des cantines universitaires et comme Justin
Zongo que la version ofcielle fait mourir d’une méningite alors qu’il aurait succombé des coups et blessures dans
le commissariat de Koudougou.
Cet itinéraire de carton en carton, change de lieu mais pas d’atmosphère d’entre la lumière: après le sous-bois, l’eau
sous un soleil embrumé, de maigres troncs et plantes émergés, un fond caillouteux sous le miroitement du léger fux.
Après l’eau, des roches en fssures, une colline de rochers, un rare oiseau sur une branche avant une maison isolée
dont ne subsistent que des pans de mur de pierre et les cheminées, motif réitéré avec, lui aussi, des variantes du
plan.


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