Page 142 - catalogue 2017
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Installations 10. Chapelle des Carmélites
Chantés admirablement en concert intime, en voix masculine ou féminine le plus souvent… chacun, en nuances
et contrastes, élève des registres diférents de sa voix, en éclat ou plus voilée, avec force ou douceur, assurée ou
troublée. Cette voix articule ses paroles, s’anime de passion ou languit.
Quant au personnel dramatique, il n’appartient pas davantage à un modèle unique. Seuls deux types «dieu» et
«nymphe» viennent du théâtre ou du roman, du fctif ; ils sont rejoints par les tessitures - ténor, mezzo, soprano -et
les instrumentistes - contrebassiste, bassoniste, luthiste… les Arts Florissants et une danseuse.
L’impromptu est avoué, le plaisir de l’entrelacement est avoué, la translation des genres est advenue ainsi que la
désobéissance à la ligne droite.
Celui que le générique désigne comme le Dieu grec porte pull de laine ou blouson de molleton du quotidien actuel
mais, par son visage pointu à la jeune barbe claire, ses yeux en amande que le montage reprend fermés au soleil, il
pourrait être dit aussi bien pâtre. Cependant homme ou dieu, il est toujours déjà amoureux de la jeune promeneuse,
elle-même désignée comme « nymphe », qui vogue dans sa robe estivale, de jour descendant l’escalier, de nuit
traversant l’allée bordée de chandelles ou - grâce au seul trucage - reculant. Ondulant comme les vagues musicales,
ils s’atteignent sous le soleil et se séparent aussitôt, le Baroque ne se satisfait pas de la monotonie ni de l’arrêt, il
est mouvement. Happy Ween adopte les principes.
« C’est quoi l’amour ? » dit l’enfant, c’est l’acceptabilité à opter pour les chemins du baroque, dans la rencontre de
ses airs diférents, c’est l’acceptation à l’injonction du bonheur : Oui, HAPPY.
Simone Dompeyre
Arnold PASQUIER, Aurevoiretmerci, 4min (Fr.)
Le texte pour dire ce travail pourrait s’écrire en articulant des
titres des nombreux flms d’Arnold Pasquier qui, à chaque fois, y
fait sa respiration, dans l’acception première de cette prise d’air
indispensable pour vivre, et pour cette prise d’air, pour vivre, il faut
aimer.
La leçon, sans leçon car Arnold n’est pas un donneur de modèle,
c’est prendre à bras le corps, aimer à chaque fois le projet en lequel
on s’insère. Il avait dit pour Aurevoiretmerci : « Pina Bausch danse
et je flme », dans la simplicité de la chose inéluctable, allant de soi
: si Pina danse alors je fais flm d’elle.
Sa pratique flmique est très précoce, dès le collège, flms en Super
8 et durant l’été 86, location d’une VHS pour, en un seul jour, faire
ce flm dont le titre atteste qu’il y s’agit de faire trio avec ses amis
Angela, Denis et moi. Elle est si nécessaire qu’elle est sa seconde
naturalité. Il la considère comme son « moyen de se rapprocher des autres ». Il n’abandonne jamais la caméra en en
déclinant les techniques successives Super 8, 16mm, 35mm, VHS, VHS-C, Vidéo8, HI8, U Matic, Béta Cam, Béta
Num, DV, DVcam, mobile… sans se prendre au mirage de la technicité car ce n’est pas la maîtrise de la machine
qui importe mais la relation avec le flmé.
Il est happé par le sujet… jamais son référent n’est ravalé à un statut de thème mais pris en un rapport personnel,
fort, où lui et l’autre forment un duo cinématographique. Il compose avec ce qui est, qu’il aime ; ses désirs d’être
pleinement en l’espace, de l’embrasser l’ont conduit à la danse et aux flms de danse ; aux voyages et aux flms de
lieux ; à l’architecture et aux flms de l’espace bâti, aux amours et aux flms amoureux.
Ses flms gardent la chair de l’avoir fait, de l’avoir été dans le désir de le faire faire, de le faire être encore et
toujours… sans doute, la si douce nostalgie qui afeure de ses plans vient-elle de cette utopie.
Un plan fxe dont l’espace est dévoué à la gestuelle de la danseuse, visage imperturbable, costume simple de
ville noir et queue de cheval qui étaient aussi sa signature. Il privilégie le buste, en accord avec cette chorégraphie
aux grands mouvements des bras, penchements de la tête, à la fuidité du haut du corps. Les mains contournent
le menton, les joues et s’envolent. Fond noir ou coloré vert gagnés par la neige de la vidéo en basse résolution
alternent, parfois l’ombre double la danse ; des volutes tournoient ainsi que de grands voiles à la Loïe Fuller ; ils ne
gardent des grands poissons rouges qui évoluaient sur le mur du théâtre, que la souplesse de l’évolution.
Jamais cette déclaration d’admiration amoureuse n’échoue dans le constat faussement fdèle : un léger ficker
détache Pina Bausch attestant que d’elle on ne peut que composer une trace, que le flm n’enferme pas le vif mais
l’ofre au désir inépuisable à entendre / voir / vivre puisque le sujet n’est jamais arrêté.
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