Page 139 - catalogue 2017
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10. Chapelle des Carmélites Installations



Gabriel GALEOTTI, Il sogno di set, 10min28 (Tlse)
En lisant dans un programme de danse, la défnition des ballets
comme « des rêves de poète pris au sérieux », il me souvient que
Théophile Gautier, défenseur de « l’art pour l’art » qu’il chante dans
Émaux et Camées, ainsi en ce vers : « Sculpte, lime, cisèle » et
auquel Baudelaire avait dédié ses Fleurs du mal parce que « poète
impeccable », était un amoureux éperdu du ballet.
Amoureux de la danse, Gabriel l’est aussi et lui aussi se lance
dans la danse pour danser, en sculptant, modelant ses fgures.
Des sons de grands vents ne perturbent pas l’allure et hiératique
et incongrue en cette forêt, d’un jeune homme en longue jupe
blanche, si longue qu’il doit parfois la retenir des mains, et veste
plus attendue, noire et fermée jusqu’au col.
En divers plans du demi-ensemble qui l’assemble au lieu, il marche sur une branche, s’accroche à un frêle tronc, ou
en funambule avance sur une autre branche oblique ; il tourne autour des fûts frêles, les fait osciller. Plus proche du
sol, il poursuit ses mouvements du buste ou court à perdre haleine ; un gros plan le décrit essoufé.
Avec l’élégance du danseur classique qui module les cercles de ses mains, l’élévation des bras, il privilégie comme
le danseur contemporain, le buste et la marche puis la course.
Plus étonnamment, sa jupe accrochée ainsi qu’une voile à un arbre, fxe, grand oiseau, il tâche de s’envoler, sous
un mixage de musique tzigane. Il tressaute sur place avant, en d’autres temps et rythme, de descendre la pente
riche de jeunes troncs où il s’accroche ou avant de parcourir l’espace variant sa vitesse d’avancée ou dansant sur
place. Ce, jusqu’à sa dernière station, quand assis sur l’arbre, visage penché, il joint ses mains sous les envolées
d’un chœur exaltant.
L’accord au titre sourd ainsi. Le Songe de Seth intitule une prière à l’intention des défunts, elle appelle au souvenir,
se faisant prélude à une citation de la Genèse 4, verset 26, évoquant Seth et l’invocation du « nom de l’Éternel ».
Seth troisième fls d’Adam et Eve, après le meurtre d’Abel par son frère Caïn porte un nom qui le désigne comme
« celui qui vient à la place de » ; ancêtre de Noé, il serait ainsi le père de tous les hommes.
Le plan portrait privilégie le regard éperdu, le dernier plan une attitude triste : le rêve de Seth serait-il course éperdue
sans réponse ou ce désir de danser sans fn et de toujours recommencer.

Simone Dompeyre


Ariane LOZE, Élévations, 17min44 (Belg.)

Dans Élévations, nouvel épisode des Movies on my own, prolifque
série initiée et orchestrée par Ariane Loze depuis de nombreuses
années, le principe de démultiplication d’un regard sur un même
lieu et sur une même situation rencontre pour la première fois la
question du religieux, du rapport au sacré et à sa représentation. Elle
y reconduit le même dispositif de flm en flm : la cinéaste assume à
elle seule la réalisation technique du flm et l’interprétation de tous
les personnages au cours du récit, amenés à interagir les uns avec
les autres, par de simples champ-contrechamp. Pour celui-ci, trois
fgures féminines, en pénétrant successivement dans une église, déclinent des attitudes face au religieux.
La première qui s’y avance ne manifeste aucun signe d’un quelconque rapport à la foi chrétienne. Son soupir de
soulagement au moment de son entrée s’attribue aussi bien à la satisfaction d’avoir trouvé le lieu de repos, après
une longue marche au soleil qu’au plaisir de retrouver un lieu familier ou qui l’aurait été auparavant, et dont la
redécouverte provoque instantanément une réaction. Face aux peintures sur les murs et au plafond, elle manifeste
en efet, un trouble certain, comme si le rapport attendu avec le lieu n’allait pas de soi, comme s’il lui fallait prendre
le temps de l’éprouver, par son regard dans cet espace où chaque coin peut renvoyer à ses certitudes comme à ses
doutes quant à la religion.

La deuxième femme fait, sur le seuil, un signe de croix mal assuré, manifestant pourtant moins un respect du lieu
qu’une convention du dogme, de l’institution ; son geste devenant une manière de « valider » sa présence dans le
lieu. En efet, elle dégaine aussitôt son smartphone et se met à photographier les icônes peintes. Son regard est
d’intérêt, mais d’un intérêt purement esthétique, cosmétique ; elle est entrée en sachant ce qu’elle trouverait, ce
qu’elle venait chercher dans son rapport au lieu.
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