Page 141 - catalogue 2017
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10. Chapelle des Carmélites Installations
Là où je me rends, milieu hospitalier ou carcéral… je rencontre, j’écoute, je parle beaucoup, je m’imprègne,
engrange. Je cherche le pouls des choses et des êtres. Je suis là. A chaque fois, grâce à cette immersion totale,
j’ausculte un corps social déjà constitué ou à venir - les actants du milieu hospitalier, ceux du monde carcéral… Au
bout d’un certain temps, des éléments s’en isolent, s’imposent, jusqu’à constituer la matière première de l’œuvre.
Je ne raconte pas ce qui se passe là où je suis, mon travail n’est en rien documentaire, même s’il partage, avec ce
genre, la question du contexte, des êtres et des lieux où ils vivent. Je révèle la force des êtres en reconnaissant les
micro-espaces de liberté qu’ils trouvent ou s’inventent, ainsi enfermés dans la banalité de leur existence. Ce qui
sourd via la vidéo, le dessin, l’installation… ce sont des émotions, des abstractions, des moments qui tissent des
liens. Je suis le témoin qui engage le spectateur à devenir à son tour témoin d’une fction qui aide à comprendre
le réel.
Dans le travail de la situation à l’œuvre, je recadre, je donne un autre temps aux éléments que je flme ou dessine,
sans qu’en soit efacé le contexte d’origine ; il n’est plus ce qui domine, il résonne mais n’oppresse plus. En
focalisant sur des parties précises du réel, j’élimine la fonction, l’identité première en excluant la précision du lieu,
lui préférant l’ambivalence.
Par ailleurs, je tiens à la partager avec ceux que j’ai rencontrés et auprès desquels j’ai dessiné, flmé, travaillé, ils en
sont les premiers destinataires. Je ne leur prends pas quelque chose mais leur restitue ce quelque chose autrement.
J’axe diféremment leur regard pour les entraîner vers d’autres perceptions de leur quotidien. Ainsi, par la singularité
à la fois proche et distanciée de ma position émergent la poésie et la beauté élémentaire de ces formes ; elles sont
probablement pour ceux qui les vivent ce qui les fait survivre, ce qui leur et nous permet de faire face.
* 2008 Galerie Duchamp - Yvetot. 2011 Omnibus - Tarbes
** 2009 Espace culturel CHU - Rouen.
© image Françoise Maisongrande
Louise NARBONI, HAPPY WE, 17min (Fr.)
Louise Narboni manifeste dans son flm que les amours du cinéma
peuvent être amoureuses du chant lyrique et ainsi entraîner le
Bonheur, en un Happy we, et ce, d’autant que le « we » / « nous »
anglais s’entend comme une approbation « oui » en français.
S’éloignant mais si peu de ses projets de défense de la musique,
en oubliant mais si peu ses témoignages de concerts du Concerto
pour piano n°2 de Brahms, ou de Grieg, de la Symphonie n°5 de
Dvorak ou n°2 de Sibelius, du Werther, mise en scène de Benoît
Jacquot, de la musique de Jules Massenet, elle reconnaît le
baroque - au sens littéral, comme mouvement musical et dansant
et au sens fguré, dans son écriture flmique, en une structure / suite baroque - qui enlace les airs, s’en fait l’écho,
n’hésitant pas à y mêler un fragment de Gershwin : le Summertime parce qu’en accord avec cette atmosphère de
jardins, de feurs et d’échos avec la question de l’amour.
Qu’elle ait aussi composé avec Les Contes du chat perché mis en musique, prépare le prétexte de ce «racontons»
à un enfant, questionneur par défnition, à l’heure des histoires racontées avant de s’endormir. Cet enfant auprès
de son père et de sa mère les interroge sur le sens des mots « baroque » et « amour », réitèrant ses questions pour
allonger le temps du partage même quand il a reconnu une « fn à l’histoire ». Amour, amour sourire et amour et
mort, en bucolique danse dans les près, lumières en chandelles, en avancées en sourire comme en son inversion
n’obéissent pas à une réelle histoire puisqu’ils répondent en motifs de la poésie baroque selon des allers et retours,
selon une ligne musicale plus que narrative. Ils sont notes jouées comme le sont celles noires et blanches des
partitions qui assemblent des fragments si nombreux que Beaune ou Ambronay pourraient en être jalouses : anglais,
français - plusieurs Rameau et un portrait de lui s’échappant - Charpentier, Purcell, Händel, Lully, Capra mais
aussi Michel Lambert ou Antoine de Boessel et… autant de noms, autant de domaines d’invention et de genres :
Lamentation, danse, prélude, airs de cour : O nuit, c’est à tes voiles sombres / N’espérez plus mes yeux / O sacrum
Convivium / Air Pour Les Fleurs ou le métonymique Dans les jardins en un éventail des plus ouverts, airs joués ou
pas dans le champ, souvent dans la verdure avec instruments d’époque.
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