Page 34 - catalogue 2017
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Projections 3. Cinéma UGC




et titré… la mère se rend malade d’un refus de celle qui a décidé de ne pas suivre un tel diktat.

4 minutes condensent la quête du fancé ou de l’amour, l’attente, le refus, la déception et le système social de cet
itinéraire : le château, le bal, le salon, le déflé militaire, la chambre.
4 minutes portraiturent la jeune désobéissante, l’Adonis au premier abord récalcitrant, la mère éplorée, la flle en
pleurs, le doigt touché… la petite feur oferte et les cris.
Cela débute en travelling latéral élogieux pour le château de contes, encadré de la carte postale d’une vaste salle
à manger, style porcelaine Wedgwood où chacun se tient sur le bord de son fauteuil de velours canonique, ou
chacune se lève à l’unisson pour un visiteur apprécié mais le système harmonique y est d’emblée perturbé. Tel
visage s’anime sur ambiance arrêtée, certains gestes se meuvent dans l’immobilité régnante.
L’errance annoncée / Wandering Womb met en branle la déconstruction du glamour afché, très vite en mêlant deux
registres temporels en un même champ : le calme subit des mouvements internes d’un visage ou inversement le
mouvement du corps s’alanguit, l’avancée au bal se prolonge. Sous le tableau d’une société respectable sourd le
désir plus précis, sous l’entrée en un lieu se distinguent les motivations diverses et inavouables, pour la plupart,
de chacun.

La musique emprunte au flm de genre, le crescendo gagne l’anxiogène, le murmure se dramatise selon la
défguration progressive de l’image.
L’œil, la bouche mais aussi le doigt féminin qui se tend en approche ou le masculin qui se crispe sont des signes
privilégiés selon un montage partitionnel faisant de ces fragments du corps des motifs réitérés… mais ils sont
travaillés, triturés. Ils se télescopent en montage court, au proft du cri de la mère au lit, de la jeune flle en divers
lieux. Le motif / le plan tournoie sur lui, en écho à la balançoire dans laquelle s’est « empêtrée » la jeune flle.
Plus liés à l’acmé sonore, ces motifs perdent en iconicité, passant des premiers espaces sages en plan d’ensemble
au très gros plan – au très, très, très gros plan puisque le grain déborde la reconnaissance de l’élément comme
le sombre ou le bleuté l’occultent. Ce bleuté d’abord s’y glisse en alterné avec la connotation d’un visage venu
d’ailleurs avant de faire disparaître les couleurs de porcelaine de l’incipit.

La variation refuse un quelconque lyrisme dédié à l’actrice connue - Keira Knightley - elle ne décrit pas son jeu
d’amoureuse ni de jeune femme libre avant l’heure / l’époque ; elle explicite, plan faisant, l’idéologie sous-jacente
qui accuse - en inversant leur responsabilité - comme responsables des dérèglements sociaux, les dérèglements
hormonaux ; elle explicite la vitalité de leur excès en rire ou en pleurs contre la morbidité du prêt à penser.
Elle porte aussi à nu le médium qui dans ses changements de matière sait garder sa plasticité, sait revenir à son
fondement d’énergie / libido en mouvement.

Simone Dompeyre

David FINKELSTEIN, Latrines Privées, 20min (USA)

Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences, / L’âme de son enfant
livrée aux répugnances. (…) il était entêté/A se renfermer dans la fraîcheur des
latrines / Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.
« Les poètes de sept ans », Rimbaud

Ne pas chercher une clef simple pour ce lieu-là mais se laisser
gagner à la fantaisie de cet univers. David Finkelstein, d’emblée,
veut dérouter en invitant dans les latrines, espace de « pestilentielle
beauté » et il sème autant de signes compréhensibles et logiques
que de signes inattendus. Les motifs de sa partition se culbutent
selon, parfois, un pas de danse, avant une nouvelle stupéfaction…
Lui et son partenaire performeur interviennent dans la narration qui convoque une adolescente aux fns cheveux
blonds et sa marâtre ainsi qu’un bestiaire de basse et de haute cour : les poulets - par une fois transformés en
corbeaux - et les chevaux.

Les deux artistes se glissent près de la cahute / les latrines privées, en une vignette rapportée puisque l’univers de
leur œuvre mêle les champs d’existence. Les composants se confrontent en échappant à la logique du quotidien,
ainsi des pièces du jeu d’échec, se cantonnant aux cavaliers grandissent, d’abord limités à deux, un blanc et un noir,
ils se multiplient et bientôt prennent une étincelante couleur bleue, forment des lignes de force en ferme perspective
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