Page 45 - catalogue 2017
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4. Cinémathèque de Toulouse Projections



Jean-Gabriel PERIOT, avant j’étais triste, 2min (Fr.)


Avant j’étais triste / before I was sad, et Gay ? boutades qui ne
craignent pas le choc de l’image et du mot… et optent pour
l’attaque souriante.
Deux vidéos des plus brèves mais tout aussi efcaces attaquant
l’homophobie sournoise, celle qui au nom du consensus
accepte(rait) la diférence d’attrait sexuel et qui, pour preuve, a un
ami qui… J-G Periot s’emploie à dévaster cet aimable refus. Ainsi
le premier titre use de l’imparfait qui implique un changement du
« je » énonciateur vers le bonheur ; il lance la description du passé
dépassé puisque inducteur de tristesse en une biographie réduite
aux étapes normées mais engluées de clichés, du portrait de
l’homosexuel, l’habitat chez maman, l’écoute de Dalida… ou
moins normées « les copains pédés » et le quartier du Marais avant les solutions / le renversement total pour trouver
le bonheur ; le PACS et l’adoption de deux enfants avec vacances à Oléron, maison, voiture, tartines de Nutella
et achats de vêtements chez C&A, annulent les regards négatifs des collègues de bureau, voire les conduisent à
boire ensemble de la bière. Cela serait l’acceptation sociale du contrat de vie entre homosexuels, si ce n’est que, se
souvenant de la fonction de la chute du court métrage, les dernières images inscrivent le visage et le nom féminin
de Sylviane « qui est bien gentille » alors que le caniche se glisse sur le canapé où sourit le couple. Ainsi le bonheur
n’est que dans l’adoption de la logique sociale défnie pour / par l’hétérosexualité.
Pour preuve l’antiphrase en forme de slogan conatif ponctue ces deux minutes de dérision : « L’Hétérosexualité
c’est l’avenir des gays. » Dans cet esprit gouailleur, loin de tout didactisme, semblant accepter ce qu’elle refuse,
la vidéo adopte un ton feur bleue avec la couleur rose et le cœur volant pour la seconde période, après le gris des
vêtements sous fond jaune des médaillons de la première… Un ton moqueur en optant pour la reprise pour chaque
visage - hormis celui de la mère et de la femme et certes de ses amants en positions très explicites - de celui du
réalisateur avec ou sans lunettes pour distinguer ses enfants, pour le « je » comme pour ses collègues à chaque fois
grossièrement détourés et opinant de droite à gauche à la manière de marionnettes en deux dimensions. Animation
de photos découpées exhibant l’hypocrite parole sociale.
Simone Dompeyre



Pierre TRIVIDIC, Réfexions sur la puissance motrice de l’amour, 11min (Fr.)

La puissance motrice de l’amour relie en iconoclaste les Évangiles
et la thermodynamique. Pierre Trividic dans la lignée d’Averty,
pensait la télévision comme possible espace quoique restreint -
« Je fais de la télévision minoritaire » de création et il y risquait
sa perspicace critique contre l’obscurantisme et très précisément
contre l’homophobie.
Pourtant le flm, qui produit par Canal +, répondait à une commande
de l’Avance sur Image, fut, lors de la projection de presse, injurié
par le journaliste de Famille Chrétienne, jugé « odieux » par le chef
d’Antenne et déprogrammé, malgré la défense de P. Chevalier de
Arte.
Pierre Trividic s’y impose la contrainte stylistique du non-dialogue,
de la non-glose pour des images plus percutantes et pour réclamer
la reconnaissance de l’amour - « amour, amour » y est chanté,
susurré, répété musicalement; il y emprunte, venue de 1744, la relation des visions de Crédence, jeune religieuse,
du Saint Esprit en très beau jeune homme. La supérieure du couvent sis à Hausbourg, alors le centre de la gravure,
mande un peintre pour le fgurer, et celui-ci le portraiture en jeune homme, contemporain, vêtu d’une chemise
aux bouillonnés baroques. Cela contrevenait au dogme édicté par le pape Benoît XIV concernant le type autorisé
d’images du Saint Esprit. Dogme délimitant très précisément le licite : colombe, langues de feu voire visage
tricéphale et l’illicite : le beau jeune homme.
Pierre Trividic, pour clamer l’amour de l’amour, opte d’emblée, pour l’histoire d’une image interdite - celle du Saint
Esprit en homme, et entrelace l’image sacrée et l’image pornographique : la Vierge et la fellation.
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