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Projections                             Cinéma ABC

Camilo Martín-Flórez, The Common Guilt

12min10 | Canada

                                         The Common Guilt/La Culpabilité Commune accuse
                                         le système politique chilien de son ambiguïté
                                         constante, tout au long de son Histoire, en
                                         revenant à divers films de son patrimoine, de 1925
                                         à 2009, et en privilégiant El húsar de la muerte/
                                         Le hussard de la mort, premier de la liste dont la
périphrase titrologique désigne le groupe paramilitaire fondé par Manuel Rodriguez.
Figure emblématique du peuple chilien, cet homme continue à être commémoré pour
son opiniâtreté et ses succès, reconnu comme Le Patriote, pour avoir lutté durant
la guerre d’indépendance, 1810-1818, contre l’occupant espagnol. Le film footage
renverse l’adhésion absolue pour pointer la dichotomie de cette société, il mêle des
films des plus différents de Guzmán, des deux Larrain mais aussi par la bande-son,
Les Trois couronnes du matelot de Raoul Ruiz puisque la voix au grain reconnaissable
du marin réveille cette étrange œuvre dans laquelle l’homme exilé et ayant surpris un
étudiant commettre un crime, lui promet de s’en taire si celui-ci écoute son histoire et
l’aide à trouver les trois pièces danoises que cite le titre ; sa longue dérive de port en
port, cet exil rappellent celui de son réalisateur et de combien d’intellectuels pour fuir
Pinochet. Ainsi se rejoignent les « droitiers et gauchers/hommes de droite et hommes
de gauche » du sous-titre et les langues française en off et espagnole en intertitre du
film de 1925, avant le parlant.

The Common Guilt constitue cependant la trame du réveil au politique de l’adolescent
Manuel Rodriguez, dont le nom est tout aussi répété dans l’exaltation du héros pur,
sans calcul, que lui occupe l’espace. Si l’écran est segmenté puisque le plan originel
au noir et blanc granuleux de cette époque filmique est découpé en bandes, rectangles
de taille diverse sur fond noir, il recompose cependant la trame de la transformation
de l’enfant en héros, selon les trois étapes du conte. Manuel est celui qui dirige ses
copains, déjà doué de la capacité à commander, dans le jeu où les épées sont de
bois et les bonnets de papier. Il est celui qui ne s’échappe pas devant le soldat
espagnol réagit et est jeté au sol. Il est celui qui accomplit ce par quoi il sera accepté
par les guérilleros, le vol de la trompette/la corneta abandonnée par l’ennemi. En
incipit, la scansion sourde du tambour redouble l’image sévère d’un homme chauve,
quelque peu inquiétant… En fin, des accords de guitare répétitifs accompagnent une
scène où l’enfant recouvre ses droits au jeu, quand il fabrique un cerf-volant d’une
page de papier simple… alors le petit bonhomme malhabile, type dessin d’enfant
des animations premières, jouant à la trompette et tout aussi fragmenté, pourrait
dépasser la culpabilité première.

128          Simone Dompeyre
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