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Chapelle des Carmélites                                 Installations

femmes ou parfois le rire et toujours l’imperturbabilité aux hommes. L’Autoportrait de
Élisabeth-Louise Vigée Le Brun fit scandale pour le sourire rendant visibles les dents
de la femme peintre, c’était en 1787.
Les changements d’approche et d’acceptation sont preuves des changements
d’ordre sociologique : le xviie accueille le jugement des femmes – pas trop, il suffit de
citer la dent dure contre les supposées « précieuses ridicules » – et leur sensibilité
contre la grossièreté et la sauvagerie en ce qui concerne les manières d’art ou contre
l’admiration virile.
Plaire, c’est émouvoir. Être ému/e c’est être sensible, le prouver, et apprécier l’art. Ce
n’est plus un moyen d’éducation, de moralisation par l’empathie mais de plaisir. Cela
devient au xviiie, le moyen de se connaître soi-même, avant les émois romantiques,
ostentatoires.
Sans poursuivre l’historique, le constat de cette question des pleurs s’impose, que ce
soit en justification ou en opposition ; or elle repose le plus souvent sur la distinction
des genres.
Distinction qui a, longtemps, et qui cherche, à nouveau, au nom du religieux, à
séparer ou plus encore à enfermer les femmes. Les pleurs sont du côté de l’intérieur,
de l’intimité, elles se cachent.

La peinture a ennobli les larmes de la mère tenant dans ses bras son fils sacrifié ou
se tenant au pied de la Croix du Sacrifice par des Mater dolorosa des Pietà, des
Déplorations – au titre programmatique – elle a reconnu le remords et l’amendement
de la pécheresse en Marie Madeleine. Cette peinture religieuse a, apparemment
paradoxalement, fait pleurer le Christ, le Christ à la colonne comme l’Ecce homo
d’Antonello da Messina mais cela obéissait au programme des textes, d’un Dieu qui
se fait homme et le montre en ses larmes, perles de larmes.

Quand il s’agit de l’homme et de la femme pécheurs, leur comportement rejoint la
distinction ; sur le mur de la chapelle Brancacci à Florence, Massacio fait pleurer la
femme en grimaces et cacher son visage entre ses mains et non l’homme, pour le
premier couple : Adam et Eve chassés du Paradis.

En sautant allégrement au-dessus des siècles et
des médiums, quand Man Ray fait perler en verre,
les pleurs ce sont des yeux maquillés féminins ;
quand en 2000, la fiction cinématographique
suit le parcours d’une adolescente se refusant
comme fille et adoptant des signes extérieurs de
garçon, elle s’intitule Boys don’t cry.

Dès lors que fait François Talairach quand il invite

                         photo : Thibault Gaugerenques

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