Page 60 - Catalogue_Traverse Vidéo_2018
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Projections isdaT
image de son pays correspondant aux attentes occidentales. Et connaître les paroles
de l’aria de Violetta : « Adieu, beaux rêves souriants du passé » facilite cette approche
du sous-texte, et ceci même, si l’option de ce morceau a/avait été purement d’émoi
musical.
Précisément tourné à Dubaï qui vante son développement à grande échelle, le film
retient dans sa bande-son les bruits métalliques de l’immense construction et dans
son champ, des échafaudages et des gestes du travail manuel y compris l’évacuation
de gravats par la fenêtre par des ouvriers minuscules, indices de leur fragilité y compris
sociale. L’artiste dit, en hors cadre, sans l’expliciter dans le champ, que principalement
originaires d’Asie du Sud-Est, ces employés ne perçoivent que des bas salaires pour
édifier cette ville du capitalisme exacerbé et triomphant. Les hommes éloignés dans la
profondeur du champ, dont l’un porte le costume pakistanais, restent des anonymes
qui travaillent sans prouver cette accusation, mais ils restent emblématiques du travail
de nuit pour construire des lieux que d’autres occuperont.
Se laisser bercer, enlever par la voix ou rester éveillé/es par le travail de nuit… Dans les
deux options, règne le duo architecture en construction/opéra exaltant.
Simone Dompeyre
Tessa Garland, Here East
5min43 | Angleterre
« Dans l’éloignement tout est poésie – poème. Action à distance. Lointaines montagnes,
hommes lointains, lointaines circonstances, etc., tout devient romantique […]. Poésie de la nuit
et du clair-obscur. », Novalis.
Here East/Ici Est, le titre amorce une localisation, somme toute assez vague
puisqu’elle emploie le déictique « ici » qui change à chaque déplacement, l’est d’un
lieu pouvant, de même, être l’ouest d’un plus à l’orient encore. Cela induit que même
si, en l’occurrence, les images ont été prises dans un nouveau quartier résidentiel
de Londres, ce qui advient est significatif d’une époque, d’un mode de vie plus
que de cet ensemble d’immeubles précis. De ce quartier, la volonté ancrée d’une
construction actuelle, esthétique avec hublots répétés sur les murs, porte d’entrée
choisie, arbres nombreux le long des chemins très éclairés – mais sans piétons –
de lampadaires cylindriques hauts, écologiques alimentés par panneau solaire mais
aussi sécuritaires puisque des caméras s’agglutinent sur ces mêmes poteaux.
L’architecture répète, outre sa géométrie sans faille, l’option de balcons comme en
apesanteur et les grandes baies alors que la vidéo prend la lignée des Fenêtre sur cour
depuis le Hitchcock de 1955, tout en se gardant de tout projet fictionnel. Regarder
sans être vu non pour chercher un coupable mais en s’attardant à l’esprit du temps,
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