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isdaT  Projections

Comme répondant à son injonction,
des livres voire des pages volées
flottent, en essaim ; en suspension,
aussi, les notes graves du piano,
comme jouées à main levée, en
largo, devancent et le musicien
qu’un plan lumineux portraiture et
des pas sans bruits et nus d’une
danseuse dans l’ombre.

Par sa tonalité et sa structure, la partition de Bach adoptée par SPIN, devient modèle
interne de la progression de SPIN. Le concerto en fa mineur, BWV’ 1056 s’ouvre
sur une phrase courte qui, elle-même, introduit trois phrases de même longueur –
chacune exprimée en des tonalités différentes – avant sa répétition ornée et une
grande coda ouvrant sur la tonalité du mouvement suivant.

SPIN, de même, interprète sa partition. Il suit des séquences d’actes aux tempi
différents qu’il embrasse puis relâche, et comme un largo musical fait succession de
notes quasi immobiles en modulations nettes, lui passe d’un corps dansant de l’entre
deux au pianiste reconnaissable, de la salle aux livres aux lieux de projection… du
lisible au trait aniconique.

En SPIN, les variations sont à l’œuvre : des lignes sur les corps entr’aperçus,
deviennent tissage de lumière, machines de Vinci devant ou mêlée à des textes
manuscrits grands formats devenus tapisserie ; le corps est le tourbillonnant sans
mouvement extrême par l’image mouvante de la lumière, son énergie. Ou avec la
musique répétitive, scansion rapide, le tournoiement des plans entraîne l’apesanteur
des corps et le sans-mot.

SPIN explore le lieu premier où joue le piano mais il déplie l’espace, il transforme
les lois de l’espace-temps ; s’y font d’autres lumières, s’y croisent des inattendus.
Corps noir/corps blême. Jeune homme en habit de bure assis sur le piano face à
l’instrumentiste vers lequel il tend sa main comme pour attirer la note vers le haut/
Danseuse butō, corps nu hormis le slip topique, rampant sur le même instrument,
sans sourire ni non-sourire, regard qui regarde et ne regarde pas. Raies de lumière sur
plancher obscur. Corps quadrillé, tacheté ainsi que l’alentour. Pans de murs éclairés,
pans de murs avec image disloquée. Panneaux en mouvement en eux-mêmes.
Grandes portes vitrées porteuses de la grande initiale B, ce qui ailleurs localiserait,
expliquerait, cantonnerait est matériau poétique et ne s’épuise pas.

Dès lors, se laisser prendre par les rets du souvenir, entendre dans les modèles à
suivre énoncés « aux yeux des cavales, douées de prémonition », ou à réfléchir comme

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