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isdaT Projections
Kika Nicolela, Elle et la poule
4min20 | Heure Exquise !, Belgique
Le film n’adopte pas une technique de
montage sophistiquée. Au contraire, en
plan fixe, une femme tenant une poule
dans les bras, parle directement en effet de
hors cadre, en interpellation franche afin
que toutes ses paroles soient entendues
nettement, la caméra devenant simple
médium. « Le médium est le message »
n’a pas cours, seul le système cinéma.
Quelque chose a lieu entre la performeuse et moi, très puissant alors que sans
technicité excessive. Le message est clair, il est clairement adressé par l’artiste
au public. Le discours seul s’impose. La performeuse relate lentement comment
elle a été victime de harcèlement sexuel, de viol.
Le passage visuel entre elle et la poule cite la manière dont elle a pu être vue.
L’énonciation débute sur un ton léger avant de composer un discours émotionnel
comme si elle essayait de retenir ses sentiments, avant qu’à la fin, cela devienne
trop difficile. Comme si elle attendait de nous que nous l’acceptions, comme la poule
tranquille qu’elle tient ; le volatile qui pond l’œuf pour notre consommation ! Soudain,
ses lèvres s’arrêtent alors que sa voix se poursuit ; sa parole devient pensée, courant
de conscience sans synchronisation labiale. Ce qui annonce que quelque chose se
prépare et, en effet, la performeuse imite le gloussement de la poule ! J’en ai été
éberlué ! La poule qu’elle tient, c’est elle ! Elle devient la poule, suivant l’expression
« Chick/nana, gonzesse » souvent utilisée en argot, surtout par les garçons.
La performeuse comme l’esprit de la poule tranquille, l’esprit qui soutient le corps
symbolique. L’esprit parle avant de disparaître. Le corps a à peine une voix ; nous
n’entendons le caquettement de la poule, que quelques instants dans la vie réelle.
Et nous savons seulement que ce son appartient à « la Chick. »
Naween Noppakun
traduction Traverse Vidéo
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