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isdaT  Projections

liquide amniotique en adéquation avec le passage par l’eau ; jusqu’aux agrippements
aux pierres et herbes longues de l’eau de cette figure féminine, échos de ceux de la
parturiente s’aidant dans ses efforts en tirant sur un tissu pendu. Quand le crâne de
l’enfant pousse sur le col, c’est la limite de l’eau, sa lisière qui est convoquée, mais
seulement après des plans mêlant le dessous de l’eau et sa surface. Les mousses
et plantes se précisent sous un pied, une jambe, une main quand se pense le lieu de
l’enfant qui naît.

La précision est extrême dans la maternité dont les topiques de la salle d’opération
rendent inutiles des paroles explicatives, depuis le cercle de la lampe, les gants, le
petit appareil posé sur le ventre et jusqu’aux gestes obéissant aux nécessités : un
linge mouillé humecte le visage de la mère, l’enfant est déposé sur le corps de la mère
qui le caresse. Restent hors cadre, le sang ; la douleur n’est qu’allusive.

Ainsi si son visage se crispe, si quelques cris se fraient un passage, une tranquille et
envahissante assurance rassure voire subjugue devant le sexe s’ouvrant aidé par les
doigts de celui/celle qui officie.

Et la vidéo atteint le corps caché, le sexe s’ouvrant d’où nous naissons.

Le silence prit la salle de réception du film, un silence fort de voir cette autre Origine
du monde, non picturale mais film du réel. Elle rejoint la naissance que L’Homme à la
caméra dans le champ et hors cadre saisit en très gros plan, dans son investigation
de l’URSS, dès 1929, mais sans adhérer à ce vers quoi tend Vertov, puisque Ka
entraîne vers l’Égypte ancienne, vers sa croyance en la double nature de l’homme
dont le ka, énergie vitale et double spirituel naît en même temps que le corps humain ;
double, aura, puissance fondamentale elle le suit tout au long de sa vie.

Quant à l’enfant, en bonnet à rayures selon les manières les plus contemporaines
d’habiller un bébé, et sans que sa position efface notre émotion d’avoir vu, il suggère le
calme de la poitrine accueillante de la mère après la force nécessaire à sa naissance : le
travail est aussi un mot que l’on donne à l’accouchement. Accouchement aussi du film.

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