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Cinéma Le Cratère Projections
de servir du soutien à une cause – dénoncer l’ultralibéralisme en le mettant devant
ses conséquences – pour jouer sa propre cause en mêlant éléments picaresques et
éléments dramatiques, images d’archives et figuration symbolique, voix off et plages
musicales, et ainsi produire un objet filmique d’une facture à ce point improbable que
Traverse Vidéo l’ait programmé.
Cet objet est ainsi décrit par son auteur :
« Nous suivons le protagoniste, une apparition fantôme de l’économiste James
Buchanan, dont les théories reposaient sur une foi totale dans le marché pour
créer un monde libre et juste. C’est sa rencontre avec cette Liberté et son déficit
écologique. […]
Le lien entre la destruction écologique et le marché libre est exploré à travers trois
épisodes : Regarder, voir et nettoyer. Il jette un regard sur ces sujets polarisés qui
brouillent la frontière entre le biopic et le rêve surréaliste. [...]
L’iconographie païenne et l’économie de marché se rejoignent dans le personnage
directeur : Canan. Personnage frankensteinien vêtu d’un masque tribal associé à
un costume, une cravate et un poncho de pluie, Canan est suivi à Londres, ses
interactions avec ses environnements capturés de manière à montrer la tension entre
son intention et les produits de ses théories. », Michael Davies.
La difficulté du film par rapport à
la proposition qui l’accompagne
réside en ce que son propos garde
presque constamment le mode
de l’allusif et ce, à travers un jeu
d’images souvent spectrales.
Au pas à pas, la compréhension
de sa logique narrative trébuche : il faut avoir recours à l’interprétation pour raccorder
les images et séquences réellement visibles avec ce qu’annonce le projet de Michael
Davies et James Hatton.
D’emblée, le titre lance un jeu de mots entre « Canan » comme diminutif de Buchanan
et celle de canon comme modèle, référence, pensée canonique, celle d’un économiste
qui prôna la liberté individuelle comme critère premier avant même l’égalité entre les
hommes. Liberty or Life : la liberté est la vie même, pas de vraie vie sans liberté.
Buchanan fut, en effet, dans les années 1960-1990 la référence du courant libéral
de la pensée économique, caractérisée par le rejet du pouvoir centralisateur et
interventionniste de l’état qui alimenta les politiques économiques de Reagan, Thatcher
et surtout de Pinochet. Il renaît aujourd’hui sur le mode libertarien qui court dans la
Silicon Valley et soutenu par Peter Thiel, le fondateur de Paypal, avec, par exemple, le
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