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Projections  Cinéma Le Cratère

projet de construire au large de la Californie une île hors état, sans nationalité.

On comprendrait mal le projet de ce film, ce qui est visé, si on ne connaissait pas le
contexte historique où Buchanan a exercé une influence majeure, jusqu’à la position
prééminente d’un lauréat du prix Nobel.

Le courant libéral des années 1960, né aux États-Unis, initié aussi par Friedman,
Hykes, dont les noms sont restés plus connus, préconisait la privatisation d’à peu
près tous les services de l’état : éducation, santé, infrastructures. Un tel courant de
la droite à l’ultra-droite américaine argumentait que, ainsi, l’individu avait la liberté de
participer au financement de l’état en payant ses impôts et qu’il était injuste que ceux
qui se sont enrichis aient à payer pour les autres.

Parmi les implications dérivées de ces principes, figurait le choix d’inscrire ses enfants
à l’école de son choix. Il s’agissait, en réalité, de contrer les mesures imposées par
l’état pour lutter contre la ségrégation raciale et la constitution de ghettos scolaires.

Buchanan fut un des théoriciens de ce courant sur un mode original : il posa que
les responsables des gouvernements, la classe politique et administrative étaient
composés d’individus comme les autres, mus par leur propres intérêts ou par les
intérêts de partis ce qui leur enlevait toute légitimité à prétendre pouvoir régler la vie
de la population. Ainsi fallait-il réduire le pouvoir de l’état et en économie, laisser le
marché et les initiatives individuelles sans régulation par le pouvoir interventionniste
de l’état. (Avec la contradiction de poser que l’état va mal parce qu’il est dirigé par
des individus tout en prônant la liberté individuelle comme libre circulation du marché).

                                                              Par ailleurs, pour que le marché soit
                                                              entièrement libre, il fallait faire sauter
                                                              le verrou démocratique accusé de
                                                              permettre à une majorité d’imposer
                                                              ses décisions aux autres. Dans  sa
                                                              théorie du choix public, Buchanan a
                                                              fait valoir qu’une société ne peut être
considérée comme libre que si chaque citoyen a le droit d’opposer son veto à des
décisions qui lui sont imposées par une majorité. Comme relancer la liberté du marché
et la circulation des capitaux induisait de supprimer le goulot d’étranglement constitué
par les syndicats, il affirma que pour assurer la liberté du marché le «  despotisme
pouvait être la seule solution pour succéder au régime politique actuel ». De fait, il se
rendit au Chili pour aider Pinochet à rédiger une nouvelle constitution. On sait que la
mise en application la plus pure de cette politique du marché libre et de la privatisation
à outrance mise en application au Chili, profitant précisément d’un régime despotique,
fit exploser non seulement le chômage et les inégalités sociales (outre en corrélat,

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