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Cinéma Le Cratère Projections
torture et élimination physique des opposants), mais paradoxalement aussi la dette
puisque le pays plongea dans une sévère récession (la pire depuis les années 1930).
Pour faire appel à des références plus contemporaines, ce même courant de pensée
est celui dont se revendiquent la NRA, donc le lobby des armes, et le Tea-Party. Dans
ce prolongement Peter Thiel, dans L’éducation d’un libertarien énonce : « Je ne crois
plus que la liberté et la démocratie soient compatibles. »
Long préambule pour situer le contexte dans lequel s’inscrit le projet du film et ce
qui est en jeu dans ce qui se présente comme la revendication apparemment la plus
naturellement légitime, celle de la liberté avant tout.
Donc « Nous suivons le protagoniste, une apparition fantôme de l’économiste James
Buchanan, dont les théories reposaient sur une foi totale dans le marché pour créer un
monde libre et juste. C’est sa rencontre avec cette Liberté et son déficit écologique. »
Cependant nous sommes avertis que : « Mon travail repose souvent sur les frontières
entre l’installation, la séquence de rêve et les structures narratives, fusionnant souvent
différents types de supports d’images en mouvement pour former des collages
filmiques », on comprend qu’il ne faut pas attendre une critique qui s’exprimerait
explicitement, à la façon d’un documentaire. Pas ici de présentation didactique, où
par exemple, une séquence exposerait la réalité telle qu’elle devrait être, selon la voix,
en off, du discours officiel, avant celle qui dénoncerait la réalité telle qu’elle est. CANAN:
Liberty or Life pratique les deux simultanément, fusionne les deux séquences par
la superposition d’images qui crée leur confrontation en une écriture expérimentale.
Peu à peu se profile une continuité discursive, une sorte de troisième couche de sens
induite par cette superposition : Buchanan visiterait en écologiste et constaterait les
conséquences de l’individualisme absolu ou de la liberté ou la vie. (Que le film soit
tourné en 16 mm répond-t-il aussi à la volonté de rester au plus près du type d’image
de l’époque, comme en musique on joue en instruments d’époque ?). Cependant
comme cette lecture ne se laisse construire que dans l’interprétation d’images le plus
souvent métaphoriques, il est nécessaire de proposer un pas à pas de articulations
pour l’expérimenter.
Le film s’ouvre en images noir et blanc accélérées, et en déroulement inversé du bas
au haut, celles de la succession du ballast d’une voie ferrée vue depuis la locomotive ;
ce qui peu à peu s’apparente à des façades d’immeubles. En voix off, celle de
Buchanan : « je voudrais vous parler un peu de mes idées, généralement... » sur fond
d’accords de guitare électrique, mais la musique se transforme, se fait caverneuse,
lointaine, se réverbère en échos multiples. Sur l’écran, le nom de Buchanan, ses
dates de naissance et mort et le label « Économiste du marché libre et prix Nobel ».
La séquence s’arrête sur les images de ce qui se révèle plus loin comme un bouclier,
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