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Cinéma ABC  Projections

Ainsi s’instaure un dialogue de formes : le positif et le négatif des courbes du corps
de la jeune femme, des plantes et des fleurs s’entremêlent s’allient, respirent, sortent
du champ, rappelant le graphisme et les thèmes de prédilection d’un Matisse.
Cela jusqu’à la phrase finale : « Now it is like colors are missing/Maintenant c’est comme
si les couleurs manquaient », conduisant dans un espace proche de l’absurde, avec
ce doute permanent sur l’interlocuteur. En effet, si la vidéo conduit en son ensemble,
souvent dans les méandres du décryptage, de l’interprétation ou de la métaphore,
cette dernière formule, en forme de vérité première ramène à un niveau de lecture
purement descriptif, en rupture totale avec les précédentes ce qui provoque une
nouvelle fracture, interdisant par la-même tout référence picturale.
Un tel discours équivoque, aux dispositifs/processus scénographiques à la fois
discordant et précis, met notre cerveau avide de sens en échec, nous perd dans le
conflit, le questionnement, nous déstabilise jusqu’à nous placer dans une attitude,
semblable à celle de Ferguson du 4321 de Paul Auster qui saisit que finalement,
au-delà de toutes les contradictions « le monde commencerait à se montrer sous un
jour nouveau » et à nous d’admettre qu’effectivement Plants are like people/Les plantes
sont comme les personnes.

                                                                   Gwen Gerard

Miruna Dunu, Coastland – Littoral

12min14 | Allemagne, AOM

                                            Coastland – Littoral développe un récit
                                            fictionnel qui s’enracine dans une recherche
                                            architecturale. L’histoire de la côte Ouest
                                            de la Mer Noire commence dans un futur
                                            lointain et revient vers ces racines, dans le
                                            projet de révéler un processus cyclique fait
                                            de destruction et de renaissance. Les images
                                            viennent, toutes, de la collection de cartes
                                            postales authentiques de l’artiste.

Coastland/Rivage malgré son appel au simple géographique ou au souhait de voyage,
et sous couvert de la mission affirmée de réflexion sur la crise vécue par ce pays-là,
énonce une pensée politique sous-jacente au récit fictionnel. En effet, si la jeune
chercheuse est mandatée par l’état, ainsi que ses premières phrases l’explicitent,
c’est que cette région des côtes a été reconstruite après avoir été totalement dévastée
par une inondation – ce qui égale la catastrophe au Déluge biblique, écho non sans
ironie puisqu’il s’agit et ce, nommément, de pays socialiste ayant érigé un mur entre
diverses de ses régions/populations.

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