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Projections  Cinéma ABC

Le discours déroge aux canons scientifiques, pas de voix masculine synonyme
de sérieux puisque la chercheuse en jeune tessiture féminine explique ce qui l’a
conduite à ce travail et ses conclusions  ; plus, elle emprunte quelques termes du
récit d’anticipation situant dans un temps lointain, son présent, comme l’appel à
« Cyborg MR11 » et la mention du laboratoire où elle est affectée.
Le décalage est de rigueur ; la musique porte unanimement, sans accents de victoire
mais en tonalité majeure, la « découverte » du pays ; le pays est de cartes postales
ainsi que le dernier plan et son mur d’expositions l’attestent, à qui n’aurait pas
reconnu le type d’images qui a longtemps accompagné les vacanciers en preuve de
leurs déplacements et de leur satisfaction canonique.
Les manières de couleurs voire le noir/blanc de certaines, lors du retour au passé
réclamé, pourraient se prêter à une étude des codes selon les périodes envisagées ;
l’incipit animant des plans de mer, décline des bleus divers selon les codes du
bonheur et de l’esthétique, tous miroitant  ; de même, s’y lisent les canons de
beauté des corps s’exhibant au soleil ou s’amusant. Simultanément, quelques légers
travellings font mouvements sur ces images fixes, quelques zooms privilégient tel
corps, tel immeuble, distinguent jusqu’à la trame tel couple quand la critique en
voix over attaque le mensonge étatique surveillant, distinguant, mettant au pas le
peuple auquel il fait mine d’offrir des vacances. Dans cette approche, un dialogue
avec voix masculine et féminine d’un frère et d’une sœur vivant des deux côtés du
Mur et profitant de ce Rivage pour se rencontrer, introduit la menace de la Stasi et
la construction des appartements, pensée pour garder à l’œil le vacancier.
La carte postale comme trompe-l’œil est,
dès lors, datée puisque divers gros plans
énumèrent des oblitérations et des timbres.
Miruna Dunu, dans un ton faussement
étale, désobéit à l’idée du bonheur imposé
et enraie toute vélleité de nostalgie des
temps heureux, ceux d’avant le Déluge  ;
elle se plaît à jongler avec les renvois des
périodes historiques, puisque recrutée pour
faire œuvre d’historienne dans un futur lointain, elle revient au temps des vacances
le plus proche, puis avant celui-là – cartes en noir et blanc –, puis après celui-ci,
avec la mention de la guerre – sans images – celle de l’après guerre et du mur –
cartes en couleur… En architecte, Miruna Dunu a recours aux photographies
d’une architecture moderniste riche d’espoir, aux formes audacieuses où elle sait
découvrir les traces de l’idéologie souterraine comme elle les découvre sous la fausse
innocence des cartes postales.

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