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Cinéma ABC  Projections

par la radio que la mère allume. Le père, déjà dehors, pratique le taï chi, la mère
sort, le regarde, rentre pour récupérer d’abord la radio, puis un saladier dans lequel
elle écosse/épluche des légumes, après s’être assise sur l’escalier… le fils court pour
rattraper son ballon qu’elle lui confisque.
Le banal transformé par le noir et blanc, par le brumeux de ce 8 mm et par la danse
de l’image en fragments ; le père en profite pour élargir son buste – et le champ
filmique en profite. Il ouvre les bras attirant deux parts supplémentaires d’espace, la
scène familiale se déplie sans heurts ni excès en ce collage amusé.
Ou comment d’une image visuelle fixe, une photographie, tirer les germes d’une
vidéo ou la vie/life est encore/still.

                                                                   Simone Dompeyre

Gordon Culshaw, Travels with my Aunt

10min58 | Royaume-Uni

                                                    Travels with my Aunt/Voyages avec ma
                                                    tante : le titre sonne comme un titre de
                                                    comédie, en accord avec le projet de
                                                    tisser l’histoire d’un peuple et d’une
                                                    famille vivant de/dans cette culture, en
                                                    puisant dans le cinéma.
                                                    Sans recourir aux films de
                                                    propagande, en refusant les relectures
                                                    hagiographiques des époques impliquant
                                                    la Grande Bretagne dans la période
                                                    difficile de l’évacuation de la Birmanie
et de l’Inde dans les années 1940-1950, Gordon Culshaw recourt aux films de
fiction y compris américaines.
En métonymie du pouvoir de passage des idées et plus encore de leur implantation
par le récit cinématographique, il insère au détour d’un raccord, le logo de la
Paramount ou le carton-générique en lettres pseudo-gothiques mentionnant Ingrid
Bergman…
Ce footage opte pour sa fonction d’anamnèse : les éléments retenus, ainsi que des
segments de phrase, révèlent ce que l’on ne veut pas voir, ils tendent un sous-texte
du pouvoir du cinéma dans la transmission des idées et leur insinuation ; Gordon
Culshaw sait le mot d’ordre de Lénine qui, en 1919, nationalisa le cinéma dans
l’URSS nouvelle et édifia la première école de cinéma – la VGIK dirigée, dès l’année
suivante, par Koulechov avec son laboratoire expérimental alors que le politique le

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