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Musée des Abattoirs  Projections

Ces silhouettes répondent à la consigne de la forme en -ing, anglaise, elles passent,
toujours et encore comme clignotant dans leurs contours imprécis. Elles seraient
la quête en format numérique du mouvement, en lointain héritage des recherches
d’un Muybridge ou d’un Marey qui dans leurs études, organisaient un espace sans
profondeur de champ mais avec escalier occulté ou traces de mesures marquées.
Cependant l’animation en 3D n’adopte pas une mesure, un calibre puisque la
profondeur du champ n’est suggérée que par la différence de taille des figures, que
l’éloignement rapetisse et qui s’agrandissent en marchant au premier plan. Pas de
lignes perspectivistes, pas de calcul sur le lieu, pas de connaissance des personnes.
Tous sont un et un est tous dans sa capacité à marcher : homo ambulatus. Chacun est
la métonymie des pas que l’homme peut faire et de la diversité de ses manières de le
faire – s’il/elle n’est pas entravé/e – lenteur et glissant, précautionneux ou gaillard,
posant le pied ou sautant, courant en diagonale ou avançant de profil… le passing
passe en revue la démarche des hommes libre de ses mouvements.

                                                                   Simone Dompeyre

Zhuang Han, BEM-TE-VI

15min35 | Chine/Toulouse

                                       Un travail cinématographique profond et
                                       intérieur. C’est un voyage qui s’éprouve tout
                                       d’abord par le corps, la peau, les oreilles et les
                                       poumons. Ça respire. La caméra nous porte, sans
                                       coupure et sans arrêts, dans une forêt du Brésil
                                       et les corps qui apparaissent par moment devant
                                       nous, semblent tout aussi enracinés que les arbres
                                       environnants. Ce sont des danseurs peut-être
ou alors des esprits, des êtres suant qui s’adressent à nous sans nous imposer un
rythme. La caméra en rencontre un puis passe à un autre. Ces présences quasi
fantomatiques se meuvent, évoquent dans leur mouvement lent et sensuel, des
histoires. Des histoires que les corps racontent par eux-mêmes, sans la nécessité
du dire, sans la nécessité du mot. Peaux, sueurs, tétons, poils, bouches, langues,
rides, coups, coupures, blessures, cicatrices de ces corps, tracent dans leurs traits
une histoire à ressentir. Ici, filmer devient l’enregistrement de ces traits, ces traits
que nous avons, qu’on nous a imposés, ces traits qui nous fissurent, ces traits qui
nous ouvrent. Un film qui donne espace au corps pour se raconter lui-même.

                                                                   Maxime Jean-Baptiste

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