Page 136 - Catalogue-livre_Rencontres Traverse 2019_L'Expérimental-recherche-art

Projections Musée des Abattoirs

Brice Bowman, FLIGHT

11min12 | États-Unis

FLIGHT/VOL entraîne, certes, du côté de la
typologie de l’avion non pas dans le recensement
technique de la machine mais dans la collecte plus
sociologique des comportements des hommes,
enfants et adultes – surtout – alors qu’ils font voler
ces engins.
Il se compose en une double voix, l’une d’exaltation
en images de bonheur varié, l’autre en réflexion de
ce qui commande ces gestes ; les deux se confondent
structurellement.
Cela paraît un film de famille qui se raconte en scènes privilégiées alors que c’est
une famille recomposée, par emprunt – footage. Ainsi la recomposition est double : le
film de famille et film avec avion/le souvenir du passé et « l’anamnèse » i.e. le sous-
texte dévoilé par réitération de plans.
Le film de famille loin d’être désordonné et de hasard répond aux topoï du vécu
de la tribu petite bourgeoise, blanche : portraits de famille, de couple, d’une
seule personne comme impromptus mais souriants, voyages, vacances avec jeux
d’enfants appropriés ; nage avec ou sans bouée, petite tentative d’escalader un petit
arbre, balançoire, course, bicyclette et jeux d’adultes privilégiant l’avion, téléguidé,
planeur, atterrissage, amerrissage… Les plans correspondent au modèle du bonheur
occidental y compris avec ses fleurs.
FLIGHT compose, en interne, une typologie des gestes des hommes faisant voler
des avions jouets ou réels en pensant qu’il s’agit, au-delà des nécessités sociales
de transports humains ou de marchandises, d’une tentative de rejoindre certains
mythèmes d’envol qu’il soit celui d’atteindre le ciel ou de penser que quelque
« chose » comme l’esprit peut quitter la lourdeur du corps. En jouant avec un avion,
on atteindrait un certain ciel.

Les plans réitérés de l’avion portent une autre trace, ils instaurent une logique
fondatrice dans le refus cependant d’une narration suivie. Les vacances, les plaisirs,
les sourires et les rires ne sauraient parvenir au film en « je » s’ils n’intégraient pas des
« erreurs » des plans bougés comme celui d’un enfant aidant un autre à s’accrocher
dans sa minime escalade, un flou sur tel visage ou un cadrage malencontreux.
FLIGHT en fait figure et envol vers la plasticité de la pellicule jusqu’à glisser,
subrepticement, un fragment troué.
Le Super 8 brumeux ou colorisé s’accorde en diptyque, se réitère, revient en trityque.

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