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Musée des Abattoirs Projections
manque, de l’échec. La beauté des figures rendant plus difficile l’acceptation de
l’échec décrit, réitéré.
Et les traits du terrestre qui s’y mêlent comme les montagnes découpées des
westerns, les espaces arides désertiques, n’apportent pas de confiance en un retour
mais une autre raison de désespérer tant cette topographie est inhospitalière et que
rien ne surgit pour réparer les pannes des instruments et des hommes.
Dalibor Baric a parfois évoqué la « vallée
étrange » qui distingue un domaine où la
robotique et l’animation par ordinateur
produisent des répliques anthropomorphes
si proches de l’apparence humaine qu’elles
induisent chez le spectateur, le refus de
suivre leur histoire ; son film s’en éloigne en
donnant à ses propres astronautes hommes et
femmes des visages reconnaissables mais dans
la distanciation du dessin, du contour, de la couleur irréelle. En incipit, c’est un
robot non androïde puisque composé d’un globe-œil monté sur un socle mobile
qui s’approche de l’astronaute en position en lotus – figure de Yoga reprise dans la
tentative de pensée à deux – mais sans interaction entre eux. Aucune autre figure
topique du genre. Cependant, nul besoin d’extra-terrestres, l’homme est un alien
pour l’homme même lorsqu’ils semblent agir ensemble. Homme imberbe ou à
cheveux longs, femme au regard aiguisé se rencontrent, se croisent, tentent une
avancée commune, s’interrogent mais c’est, pour à chaque fois parvenir à rien :
« cela ne fonctionne pas ».
Leur scaphandre répond dans ses détails à la norme de l’interplanétaire mais un
halo entoure chacun d’eux et parfois, le visage derrière le hublot perd de sa réalité
quand ce n’est pas le corps abandonnant son scaphandre vide… laissant l’autre
seul : le cosmique est lieu de danger pour le corps et lieu de la solitude.
Le mode d’approche de ce monde est, d’emblée, inquiété par la voix over féminine
dont le grain garde de l’humain, alors, qu’avant de régir le déroulé des péripéties,
elle décrit ce qui a lieu comme un enregistrement, autrement dit comme du passé et
comme fantomal. Plus encore, elle sanctionne l’ensemble puisque le même message
est répété en explicit, après que des étapes ont été désignées nettement par des
titres attendus de l’interplanétaire comme ceux de galaxies et parfois étonnants
comme l’appel aux voyages vers les spas, tous liés aux déplacements et tous voués
à la désillusion.
Pourtant le dernier « chapitre » de ce mode d’emploi pour atteindre une des
colonies balnéaires spatiales pourrait faire illusion comme si à la fin du voyage, les
Ulysse retrouvaient une maison, mais ce monde-là est faux, simpliste, coloré de
rose, sans épaisseur.
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