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Prép’art Performances
Tales Frey et Paulo Aureliano Da Mata, F2M2M2F X 6
20min | Portugal
crédit photo : Anne Murray
Le principe de cette performance est
décrit par son auteur Tales Frey : « Dans
ce déploiement de la performance art
F2M2M2F X 6, l’action est activée par
douze artistes et, à travers les référents
binaires (corps et costumes détenus par
des hommes ou des femmes), les codes
sociaux hétéronormatifs sont renversés par
rapport à la logique considérée comme
idéale par le système hétérocentrique. En
six couples, toujours en mouvement dans
l’espace, chaque artiste embrasse sa propre image reflétée dans un miroir double-
face pour une heure ininterrompue [raccourcie ce 13 mars 2019 à vingt minutes]. »
Bien que le lien établi dans l’action soit l’ultra-exposition des binarismes, ils sont
soulignés précisément pour exhiber la remise en cause de codes sociaux déjà si
reconnus et introduits dans notre culture.
L’un e(s)t l’autre pourrait être l’autre titre de cette performance. L’un et l’autre, dans
cette performance, peut, en effet, s’écrire ou se développer en « l’un est l’autre »
car six couples de filles et garçons échangent leur genre par l’option vestimentaire
codée : les filles sont habillées en garçon et les garçons en fille. Pour accentuer le
passage ou, encore, biffer la différence des genres, chaque fille et chaque garçon
portent les mêmes couleurs : pantalon ou jupe noirs, chemise blanche, cravate
noire. Les marqueurs du genre et de la différence sont à la fois conservés et niés, ou,
encore, raturés, par la différence des tenues : chemise et pantalons masculins pour
les filles, chemisiers, jupes plissées et collants pour les garçons, talons hauts pour
les garçons, plats pour les filles. Boucles d’oreilles blanches pour les garçons. Il ne
s’agit pas de travestissement – pas de perruque par exemple – mais de subvertir les
marqueurs sociaux différenciant les genres en laissant paraître le genre initial sous
le port des signes ou caractéristiques de l’autre genre.
Jusqu’où va cette différence, c’est la question mise en œuvre dans cette performance
multi-couples, dont chaque membre est à la fois séparé de l’autre par un miroir et
réuni à lui dans un baiser à même hauteur sur chaque face de ce miroir.
Qui s’agit-il d’embrasser ? Soi-même, sa propre image désespérément, dans la furie
d’un baiser qui dure vingt minutes ? Ou l’autre, de l’autre côté, traversant le miroir
sous l’assaut du baiser ?
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