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Installations Chapelle des Carmélites
et de la reconnaissance sociale du donateur comme le fond d’or ou le lapis-lazuli
pour le bleu…
Suivre le statut des commanditaires est faire histoire puisque si les premiers
appartiennent au clergé et, très notamment aux ordres monastiques, le xve siècle
attire des commandes laïques, et non seulement des rois et reines mais venant aussi
de corporations et de confréries voire des municipalités et enfin de la bourgeoisie
marchande ou d’affaires qui le commandent pour leur chapelle privée. Et ceux-ci s’y
font portraiturer, en couple voire en famille, de part et d’autre du panneau central
comme Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne et sa troisième femme. Les
signes de leur fonction et de leur statut n’effacent pas leur figure d’orant, mains
jointes, agenouillés.
Désormais d’autant qu’il est technologique et implique du matériel informatique
sophistiqué et de longs calculs, l’art exigeant doit lutter pour sa réalisation. Du couple
LAC Project, elle – Ludivine Large-Bessette – plasticienne, lui – Mathieu Calmelet –
chorégraphe, danseur, chacun œuvre dans le montage, le câblage comme il a œuvré
dans la pensée mais aussi pour la recherche de moyens, de financements, sans jamais
se départir de l’exigence du projet qu’ils se sont commandité à eux-mêmes. Ainsi ne
figurent-ils pas plus que ne figuraient ceux qui œuvraient au façonnage des retables,
en cette position mais lui est aussi danseur ; la danse l’implique dans certaines des
œuvres de Olivier Dubois comme ici dans le champ iconique et il est celui qui
se meut dans la caisse, éprouvant, éprouvé. Il est celui qui appert ex-structure du
retable.
Quant à Olivier Dubois, il insuffle dans ce panneau à lui dédié, la force de sa
détermination dansante, son corps dit : « je suis dans ma danse ». Si son regard
est d’abord et aussi dirigé vers un ailleurs, il ne reste pas très longtemps assis, raide,
main sur la poitrine en écho au donateur mais s’anime dans le changement de
tempo. Debout, ayant contourné et saisit son fauteuil au dossier évidé, il le jette hors
champ, brutalement, s’emparant de tout l’espace pour son corps en mouvement.
Variant les rythmes, il sait attendre ou se précipite. Il regarde fixement ou détourne
la tête avant en coda d’adresser le regard en effet de hors-cadre ; son visage sans
répit évalue les possibilités d’expression : yeux ronds, écarquillés, bouche fermée,
mimique sérieuse voire austère avant grimace et langue tirée. Le sens ne triomphe
pas toujours, la folie se glisse dans le retable car elle est aussi humaine condition.
Ainsi se disloquent les codes imposés par la fonction religieuse. L’homme se tape
lui-même, fait mouvements divers des mains, près du corps, levées, tendues et bouge
son corps qu’il penche ou tend comme préparant le mouvement à venir ou en un
pas proche du flamenco ou proche de la chute. Il acte ce qu’il est, sa nécessité d’être.
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