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Chapelle des Carmélites Installations
Le retable amplifiait la liturgie et les églises du Nord de l’Europe au xve siècle y
aménageaient les panneaux latéraux en volets repliables sur le volet central, dès
lors, peints sur les deux faces. Cependant la visibilité en était dictée par l’église qui
ordonnait l’ouverture du retable. En effet, le narratif/histoire sainte s’y découvrait
en épisodes, selon les dates précisées par le rituel religieux. Ainsi en période
pascale, le maître-autel privilégiait la crucifixion et fermait les volets latéraux de
l’Annonciation, de la Résurrection, ainsi que les anges et la Nativité.
Sans obéissance à un calendrier religieux, le retable de LAC Project suit son propre
protocole d’ouverture/fermeture impliquant que ne peut se découvrir qu’une part
du projet en une « visite » du lieu.
Et si la place privilégiée du retable religieux, déléguée aux Élus, se situait « à la
droite de Dieu » soit à la gauche du retable, dans le renversement nécessaire à la
correspondance du regard du fidèle, priant en face, elle s’inverse, ici, puisque le
mécène de l’œuvre, s’inscrit à l’inverse à droite quand le retable est fermé et qu’à
gauche tombe le corps nu.
Et l’implication du corps réel – son image – de l’humain mouvant et chorégraphe
reste constante : en ouverture, le panneau central déploie jusqu’au grand
rapprochement le corps éprouvé, suant parfois, qu’il se meuve entre des chariots
de service de cuisine de cantine recouverts de plastique, se mouille sous le jet d’un
robinet de lavabo, se contorsionne en gestes de danse contemporaine, regard au
loin sans demande d’empathie : ce n’est pas une scène, cela ne narre pas.
En ouverture de part et d’autre, soit le corps nu féminin – parfois duo – monte
avec difficulté, une verticalité abrupte avant de chuter et de recommencer cette
métaphore du faire, de l’atteinte du but, du désir qui n’est que d’être recommencé
soit, en opposé, des corps agglutinés à leurs semblables, nus, en écho de corps
suppliciés, bras tordus sur fond noir mais ni diables ni monstres.
Fermé, le retable découvre à sa gauche, étonnamment, une pâte à pain se levant et à
sa droite, un autre corps dansant, visage imperturbable, s’imposant, chorégraphiant,
habillé au quotidien, chemise blanche et pantalon foncé, cette prise de l’espace.
Le hors-cadre le reconnaît comme Olivier Dubois, le remarquable danseur,
chorégraphe et directeur du Ballet du Nord / CCN de Roubaix Nord-Pas de Calais
de janvier 2014 à mars 2018, artiste associé au Centquatre depuis 2012 – comme le
mécène indispensable pour l’achèvement de cette pièce de maître. Il est aussi part
de cet « amalgame » premier des corps hommes/femmes roulant sur lui-même
dans cette même situation, retable ouvert.
Ce faisant, il répond à une autre caractéristique du prototype, puisque le retable se
complexifiant, il réclamait et plusieurs corps de métier et beaucoup d’argent pour
les payer ainsi que pour acquérir les matériaux onéreux d’exaltation et de la divinité
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