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Cinéma UGC  Projections

Comme de nombreuses femmes de l’île, elle l’a attendu lui qui, comme beaucoup
d’autres hommes, n’est jamais revenu. Partenza, le départ en italien et retenu par de
nombreux dialectes insulaires et côtiers croates, aborde sans mots par le déplacement
de corps le long du rivage, scandé par le ressac, ces histoires de départ, d’attente
et de séparation induite par cette migration en creux, il fait signe vers la migration
comme synecdoque de l’insécurité globale ; de la société contemporaine. En effet,
Renata Poljak relie à l’histoire de la Croatie du début du xxe siècle – son histoire –
celle des réfugiés africains et asiatiques d’aujourd’hui. En rappelant que l’histoire
de migrants et, dès lors, de réfugiés, se répète tout au long de l’histoire, Partenza
suggère très puissamment combien la condition humaine est fragile et sensible aux
changements politiques, économiques et sociaux.

Maxime Martins, Vegasiorado

8min | France

                          Las Vegas a la capacité singulière de nous laisser croire à notre propre
                          irréalité.

                                                                            Zéropolis, Bruce Bégout, 2002

                                      Vegasiorado traverse Las Vegas, une ville de fiction
                                      structurée par/pour les attractions. L’enveloppe
                                      d’électrodes et de néons, les noms des lieux
                                      ainsi que leurs habitants en ont été retirés, pour
                                      que se détache l’imposante structure de la ville
                                      et que s’expérimente la réalité du lieu enfoui
                                      sous d’épaisses couches de signes publicitaires.
                                      Les écrans démesurés n’exposent que leur taille
                                      destinée à l’appel de masse alors que Las Vegas,
décor sous contrôle, interdit toute photographie hors des espaces prévus à cet effet.
L’effacement révèle une architecture brutaliste de masse derrière la promesse de
jouissance individuelle. Las Vegas est une ville privatisée dont les casinos possèdent
les trottoirs, les lampadaires et dont les rues portent le nom. Cependant omniprésent,
le contrôle veille tout en se rendant invisible, camouflé sous un vernis miroitant afin
que rien n’entache le divertissement. Las Vegas est une ville spectacle, un spectacle
permanent, comme une déflagration en boucle. Zéropolis de Bruce Bégout la décrit
comme la ville du futur, unique en termes de gestion urbaine, sa population sous un
contrôle accru et sécurisé, allant en mouvement permanent dans une atmosphère
de fête.
Vegasiorado adopte une esthétique documentaire sans que la ville soit clairement
identifiée alors qu’elle s’apparente, ainsi dépouillée de ses couches éphémères,
aux ruines – paradoxalement – à l’état neuf d’une civilisation disparue. Vegasiorado
questionne les ruines que laisseront nos sociétés contemporaines ainsi que celles des
emblèmes de notre époque.

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