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Cinéma UGC  Projections

s’arrête que tardivement pour un non-lieu au canapé abandonné improbable, pour
que l’artiste/conducteur entre dans le champ et fasse couler l’eau d’une bouteille
sur sa tête.
Nuit et jour ne donnent pas systématiquement une temporalité logique aux trois
espaces  ; une ou deux fois, la nuit survient au jour  ; les éléments filmés ne sont
pas davantage pittoresques, ils s’immiscent de même, dans la trivialité avec une
focalisation sur les friches, sur le derrière-le-décor. L’anecdote plus développée
que d’autres répondant à cette option  – celle d’un matelas avec empreinte d’un
corps qui inciterait la référence de l’enquête policière – se fait dans la distanciation
de l’humour qui annulerait si elle existait encore en fin de XCTRY, toute velléité
d’achever – à cause, de son double sens – le voyage à sa place.

                                                                   Simone Dompeyre

Pablo-Martín Córdoba, Gare Paris-Saint-Lazare, 10 avril 2017, 12h03-12h07

4min26 | France

                                              Dès l’incipit, le plan fixe unique de quatre
                                              minutes décrit la froide architecture de la
                                              Gare Paris-Saint-Lazare et plus précisément,
                                              la jonction d’escaliers. Ce panoptique, à
                                              l’instar de la vidéosurveillance suit les pas
                                              des usagers de la gare or ils se transforment
                                              en un heureux ballet inattendu de la banalité
                                              citadine. Ce lieu d’affluence, d’allers et
                                              retours des passants ordinaires, qui traversent
le champ devient tableau par des superpositions qui saturent le champ. Si dans la
réalité, ces passants paraissent aussi vite qu’ils disparaissent, brusquement, par une
porte, un petit parvis pour rejoindre le hors-cadre et leurs occupations, leur trace de
passage les inscrit dans le lieu. Si dans la réalité, ils se croisent sans se retourner ni
même se voir, la vidéo crée un autre potentiel. À « aucune interaction » répondent
toutes les interactions jusqu’à la fusion.
En effet, ce fugace passage est capté au sens littéral, est arrêté comme composant
fixe, trace pérenne de la physique des corps en mouvement. Ces rémanences
s’ajoutent, se jouxtent, se recouvrent, s’entremêlent, alors, par de tels chocs, l’espace
neutre fonctionnaliste devient un sombre entremêlement occultant les différences
des corps. L’ajout corps après corps brouille les repères d’identification et renverse
le projet du « tout voir » de la vidéosurveillance. Le processus amorcé d’emblée
phagocyte chaque nouveau voyageur, plus vite encore indiscernable...

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