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Quelle place à Toulouse pour l’expérimental ?
Damien Beyrouthy : Je viens de l’Université comme plasticien, avec de plus l’expérience de lieux
institutionnels comme Croix Baragnon, mais cela m’intéressait de travailler avec les Vidéophages car ils
mettent en pratique d’autres modes de diffusion vers d’autres publics et dans d’autres lieux pour faire une
scénographie. On travaille aussi dans les quartiers, en changeant chaque année, volontairement, celle-ci,
c’est aux Carmes ; en tentant de prendre à bras le corps le quartier pour travailler avec des artistes qui ont
des trajectoires vraiment singulières, pour produire une cohérence avec l’espace, grâce à l’énergie de
créativité en s’ouvrant à toutes les formes de l’image.
Il faut continuer à se battre, car nous avons le droit d’exister, sans avoir de régularité de lieux de
projection; pour une sorte de fluidité, à contre-courant de ce qui aurait été plus simple à financer.
Nous relançons ce défi pour Faites de l’image : Rencontrer, taper aux portes en un temps très court, ainsi
une tentative existe avec Lieu commun. Cela c’est être militant : laisser la place à des artistes locaux dont
certains ont grandi en reconnaissance, des artistes - comme Stéphane Masson - qui reviennent alors que
nous ne donnons pas d’argent, nous défrayons…
Nous soutenons un projet, nous défendons le droit à l’éphémère, le droit au tremplin, à l’essai, à l’erreur.
Et l’équipe technique n’est pas payée, c’est un espace de militantisme.
Boris Monneau : Je suis programmateur à Barcelone, “en herbe”, puisque j’ai commencé cette année
avec du cinéma expérimental et du cinéma documentaire, au Centre de la culture contemporaine de
Barcelone, centre géré par la Mairie.
Cette activité s’inscrit dans un cadre plus institutionnel que celui de beaucoup d’entre vous, mais avec une
liberté absolue pour les programmes : j’avais carte blanche. Ma pratique de la programmation part d’une
certaine cinéphilie et d’une interrogation sur le savoir, l’histoire du cinéma et je tiens à décloisonner les
genres dans mon approche du cinéma, en tentant d’avoir un discours sur l’histoire du cinéma. Je
m’intéresse au comment, à travers ce fil conducteur, a pu se redéfinir le médium.
Florence Davoust : Je suis plasticienne et travaille le textile, l’image et le texte, mais actuellement, je
reviens à des pratiques plus liées à la pellicule super 8 comme 16mm. Je faisais beaucoup de grattage et
des installations avec des boucles, c’est ce qui m’a amenée à avoir une réflexion sur les écrans sur les
dispositifs de projection. Puisque dans l’ère du numérique, je repars dans d’autres recherches mais le
terme « expérimental » évoque pour moi pas mal de cuisine.
J’étais très intéressée par ce débat, ce festival, je suis toulousaine, donc je cherchais des personnes dans
cette même mouvance et cette même énergie pour communiquer, créer des liens, afin d’unir nos forces.
J’étais venue à Traverse Vidéo, 2012, cela m’avait ressourcée, aussi suis-je venue pour m’en approcher
davantage.
S.D : Il y a eu un avant les 16 ans de Traverse ; de façon ponctuelle, à la fac, ici ou là, dès que se
trouvait un moment pour découvrir des films, ainsi, très tôt Brakhage, par exemple. Mais en même temps,
ceux avec lesquels je risquais ces films, eux-mêmes disaient “l’art vidéo c’est de la merde”, même si depuis
ils en ont programmé… nous savons que le pionnier se brûle à la bougie qu’il porte.
J’étais, je suis portée par ce désir de partage de ce que j’ai vu ailleurs - en allant à Paris, vers Light Cone
mais au siècle dernier, au festival d’Avignon – alors à Avignon, un lieu se risquait, dans ce temple du
théâtre, aux films expérimentaux ; c’était à minuit, sans doute ce qui nous donnait la sensation de vivre un
rituel hors du monde.
C’est ainsi que j’ai découvert L’Ange de Bokanowksi, aussitôt, dans le plus grand des chamboulements, je
me suis dit : “pourquoi pas à Toulouse ?”.
Quant au terme expérimental, et je ne crains pas les jargons, qui ne sont que des codes de groupes liés
par des préoccupations communes ; très simplement, ce terme annonce : ce n’est pas du cinéma
habituel. En tant que professeure, aussi, j’y trouvais l’intérêt de confronter les étudiants à autre chose que
la pensée filmique prémâchée, une possibilité de l’interrogation indispensable à la formation de soi.
12 16ème édition des Rencontres Traverse Vidéo