Page 38 - catalogue_2013
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Traverse projette à l’UGC
Mathilde RACHET, Ophélia, 5'12, 2012, France
Réalisée dans le Parc Saint Léger à Pougues-les-Eaux, Ophélia
évoque le réveil d’une créature qui capture des hommes pour les
offrir en proie à un marais.
Ma volonté première était d’être la figure topique de films de
genre, du monstre portant la femme évanouie ; cependant,
comme figure au féminin, elle arbore dans ses bras, un homme
évanoui. La difficulté de le porter crée une tension dans le corps, provoque plus de densité, privilégie sa
verticalité, en brisant l’horizontalité des plans suggérés par la ligne d’eau du marais. Le montage alterné
se double d’un montage sonore par contamination ainsi qu’un jeu sur la subjectivité des plans d’eau pour
susciter l’ambiguïté quant à la nature du fait. Le marais peut s’appréhender comme une entité à part
entière ou comme une vision fantasmagorique plus abstraite.
Mathilde RACHET, T5[R91159], 1'55, 2011, France
Elle relate l’atterrissage d’une entité extraterrestre au milieu des champs.
Sur le principe de la construction du genre fantastique, je retiens un objet
qui fait partie intégrante du paysage, les éoliennes que je détourne afin de
créer un objet non identifié, menaçant. J’introduis le doute sur la nature des
ombres qui balaient les pâtures et le paysage rural en ne retenant que les
ombres sans leur source, et en accélérant le rythme de leur passage.
Muette au départ, la séquence s’emplit du son des éoliennes, de leur mécanique et ce, progressivement
jusqu’à saturation. Les premiers plans figuratifs se poursuivent en un enchaînement abstrait de la super-
position, par transparence, de pals traversant le ciel, motif prégnant du film. Ils sont saccadés par des cuts
brutaux pour un effet stroboscopique de plus en plus oppressant. Le dernier plan surgit en rupture, avec
un être asexué devant l’entrée d’une éolienne, sur le son en légère nappe sonore à peine perceptible.
L’entrée, tronquée de sa base, en suspension dans le ciel clair, est portée par un léger effet de fumigène.
L’image disparaît comme brûlée par la lumière attestant de sa nature fantasmatique.
Mathilde RACHET, Reflection, 0'43, 2012, France
“Je suis une créature faite de l'expérience de l'image” est une réflexion
autour des archétypes cinématographiques.
Comment ces types d'images s'incarnent-ils hors de l'espace filmique ?
Comment un corps cinéma, un corps image se créent-ils ?
“Je suis une créature faite de l'expérience de l'image” affirme la volonté de
modeler une entité mouvante en revisitant mes fantasmes et mes
souvenirs de spectateur. C'est aussi une expérimentation de l'imaginaire collectif, une mise à l'épreuve des
stéréotypes par l'absurde, un jeu avec les projections qu'induit la construction cinématographique.
La majorité de ma pratique s'articule autour d'une sorte d'auto-fiction.
Je me mets ainsi en scène dans de courts films où j'exécute une action, adopte une posture afin
d'éprouver des lieux communs du cinéma. J'apporte aussi un questionnement sur l'acteur en tant que
performeur, sur la dramaturgie d'un corps pris dans une action morcelée, décomposée, répétée,
fictionnelle. C'est la fragilité que je cherche, les moments de ruptures où la densité corporelle prend le pas
sur l'immatérialité du personnage.
Cumulant les exigences et l'expérience de réalisation et de jeu, une tension se créant durant les tourna-
ges, je deviens ainsi la part “aveugle” de la production. Mes films sont aussi des témoins sensitifs de cette
expérimentation.
38 Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Histoire(s)