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Traverse continue...
Emese MISKOLCZI, Tandava, 6'20, 2011, France
Tandava, c’est la danse de Shiva qui symbolise la destruction et la
création de l'univers, le renouvellement périodique du monde, en un rythme
infini de dissolutions et de naissances.
La vidéo a été réalisée pendant la restructuration de la Maison des Métallos
dans le onzième arrondissement de Paris entre 2005 et 2008. Pensée pour
être diffusée en boucle, elle n’a pas de début, ni de fin.
C’est une étude sur le temps et sur la mémoire. J’ai élaboré une méthode de prise de vues spécifique
permettant de voir l’évolution du projet architectural grâce à des images superposées. J’ai choisi des points
de vue fixes, pour y retourner périodiquement en fonction de l’avancement des travaux. Ainsi nous nous
retrouvons dans des espaces où le temps est dissimulé. Nous sommes à la fois avant, pendant et après.
Mes premiers enregistrements datent de la fête de fermeture, les derniers après l’inauguration lors d’un
spectacle, les salles remplies de monde.
Par ailleurs, cette vidéo est une sorte d’autoportrait dans la mesure où le personnage féminin, qui parcourt
le lieu et le temps c’est moi-même.
Pour les photographies, j’ai suivi la même procédure mais en utilisant généralement deux images à la fois.
Mes négatifs sont en moyen format, je les numérise pour les assembler ensuite. Ma recherche vise la
visibilité des différentes techniques de construction et des situations inattendues voire absurdes, comme
les fils électriques plongeant du ciel.
Franck GOURDIEN, Un contact, 12', 2012, France
Une figure de l'effroi.
Une voix se distingue. On doit faire attention à ce qu'elle nous dit. En peu
de plans et beaucoup de mots, ce film nous fait part d'un regret. Un homme
qui saute dans l'eau pieds devant se rend compte, trop tard, qu'il eût mieux
fait de plonger mains et tête en avant. Ce n'est pas tout. Puisque c'est trop
tard, il faut que l'auteur nous montre qu'il est toujours temps de remonter
dans une image, de se souvenir, et d'en faire un film beau comme un songe qui tire sa clarté de l'éveil.
Gourdien est un cinéaste du regret.
Il dresse dans chacun de ses films un état de fait. Il ne dit pas le monde est ce qu'il est, voilà comme je
voudrais qu'il soit, mais plutôt, le monde est précisément comme je n'ai pas voulu qu'il soit, voilà comment
et pourquoi. Gourdien se débat toujours avec le passé plutôt qu'avec un futur qui n'existe pas. Il laisse
avancer sa caméra sur une photo comme le doigt sur la poussière d'un livre et il repose la poussière où il
l'a trouvée parce qu'il ne veut rien déranger de ce qui est ou a été. Seulement, il faut encore qu'il en fasse
un film et qu'il dise en quoi poussière et livre ne pouvaient s'arranger autrement. Ce qui est, ne doit pas se
confondre avec ce qui eût été, mais rien n'empêche de les faire voisiner dans un même plan puisqu'il y a
de l'image et du son, l'acte et la pensée. Il n'y a rien de mieux qu'une parole hésitante pour filer de biais
comme le nageur lointain vers le sens précis d'un film qui, l'air de rien, étudie en passant le mouvement
d'une chute intime et sa couleur.
“Il a vu le bleu profond qui l'attendait”. Description à la fois fantastique et drolatique parce qu'elle s'aventu-
re dans la pensée de celui qui vit entre ciel et eau le temps d'une photo. Il est alors question d'un poisson
dans l'eau (l'invisible) et d'oiseaux dans l'air (bien visibles mais inaccessibles), “ses bras ne sont pas des
ailes”. Il est question des bleus (le ciel et la mer) qui ne se confondent pas. Pas plus que le sauteur ne peut
se confondre avec le plongeur, et, cela dit sans vouloir déflorer la fin. Car il y a une image finale au film,
comme un point asséné à la fin d'une longue phrase. On ne reviendra pas en arrière.
Cinéma expérimental, art vidéo, monobandes - Histoire(s) 61